16 janvier 2025
Boeing traverse une crise douloureuse, et la publication de son bilan 2024 en est le reflet. Comparé aux années précédentes, et pire comparé à son challenger et concurrent principal Airbus.
Le groupe américain n’a livré que 348 avions l’année passée, (766 Airbus) et n’en a vendu que 317 en chiffres nets (826 Airbus), son carnet de commandes étant toutefois joufflu, avec 6245 appareils à livrer, même si là encore c’est inférieur à Airbus qui en affiche 8658.
La crise que traverse le géant américain puise d’abord ses effets dans les malheurs du B737 Max, la quatrième et dernière version modernisée de son historique best-seller, victime de deux catastrophes qui ont mis le constructeur en défaut. Puis s’est ajoutée l’épidémie de la COVID19, (on pourrait dire comme tout le monde). La mise en cause de l’organisation de l’entreprise a suivi, au vu de sa politique de sous-traitance, et de qualité, de gros défauts ayant été constatés dans la fabrication, à l’occasion de graves incidents. Tout cela a achevé de déstabiliser la direction, Le PDG nommé en 2020 a jeté l’éponge, son successeur à peine arrivé a dû faire face à une lourde et longue grève qui a bloqué pendant 6 semaines les usines principales d’Everett et de Renton. 33.000 employés ont cessé le travail, et la sortie de crise s’est avérée extrêmement coûteuse pour le groupe. Lourdes pertes financières. Obligation de faire de gros emprunts, clients non servis, le géant peine à sauver la face et à rassurer. Dans ce contexte, la nouvelle direction, en plus de copieuses augmentations de salaires, de diminutions des activités confiées à des sous-traitants, s’est engagée à ce que le prochain Boeing, appelé B797 (dernier chiffre disponible dans cette centaine) soit construit dans le cœur historique de l’entreprise, autour de Seattle.
Le Boeing B797. Il serait temps. Le catalogue de l’avionneur est plutôt rustique. Pour des raisons financières l’ancienne direction, installée à Chicago, loin de la production, s’est contentée pendant longtemps de moderniser ses anciens modèles. Ainsi le B737, devenu B737-Max a fait son premier vol en 1967 …. Le B747, historique Jumbo, est arrivé au bout de sa vie commerciale et n’est plus produit. Comme le B757. Le B777, plus novateur, vole depuis 1994, il a 30 ans, et seul le Dreamliner, le B787 s’affiche comme un avion moderne, avec un premier vol en 2009, mais cela fait déjà 15 ans. Si le B777 reste un avion possédant des technologies modernes et numériques, comme bien sûr le B787, le B737 a montré qu’il est dépassé, analogique, métallique, malgré des moteurs nouveaux (Leap 1B GE/Safran) et une avionique moderne, la cellule et surtout les commandes de vol (à l’origine des catastrophes) ne permettent pas de profiter des progrès des nouveaux systèmes de pilotage et de sécurité.
L’urgence se situe donc à ce niveau. Que les dirigeants de Boeing n’ont-ils pas, comme attendu par tous, lancé le successeur du B737 au début des années 2000. Un moyen efficace de contrer le concurrent de chez Airbus, la famille des A320 ? Progressivement les A318/319/320 et A321 ont supplanté le best-seller de Boeing. Et à ce jour, l’avion à réaction, le Jet le plus vendu de l’histoire est un Airbus. Une success-story ! Erreur commerciale. D’abord. Puis, avec l’arrivée du Max, et ses difficultés, faute industrielle.
En 2025, avec une ou deux décennies de retard, Boeing doit lancer son biréacteur monocouloir, le B737 de demain, de toute urgence. Mais ce qui était relativement simple il y a 20 ans, ne l’est plus aujourd’hui. Lancer un nouvel avion, c’est très cher. 15 ou 20 milliards de dollars. Ou plus. Et quel avion ? La rigueur du climat qui se dégrade, a créé de lourdes contraintes pour l’aviation commerciale qui devra être « décarbonée » en 2050. Il faut donc apporter du neuf…. Et pour l’heure les technologies disponibles sont toutes employées sur les Airbus et les Boeing, hors le B737 : commandes de vol électriques et numériques, usage des matériaux composites pour la cellule et les gouvernes, moteurs de dernière génération, aérodynamique améliorée par des ajouts etc… Ce qu’on sait faire de mieux aujourd’hui, vole déjà !
Et l’avion de demain ? Quelle forme, quelle propulsion ? Quel carburant ? quel pilotage ? Quelle place à l’intelligence artificielle et aux automatismes ? L’équation est très difficile à résoudre. Un avion qui volera dans 5 ou 7 ans devra voler 40 années de plus. Il devra donc être compatible avec les règles et les lois du moment. Bien sûr la question se posera pour Airbus. Mais l’avionneur à du temps pour faire des recherches, et pour faire ses choix, il n’est pas pris à la gorge. Le B797 devra donc être mieux, plus moderne, plus écologique, plus durable que l’Airbus, et sinon, il ne rendra pas à Boeing la première place… Et les dollars qui vont avec.
Boeing avait envisagé de lancer un NMA (New Mid-market Airplane) dans les années 2010. Pour moderniser sa famille d’avions monocouloirs. L’idée était bonne. Il devait remplacer le B757, légèrement plus grand que les B737, abandonné parce que trop ancien, et dont on imaginait que le besoin reviendrait. Eh bien aujourd’hui c’est le cas. Chez Airbus, le modèle de la famille A320 qui s’est vendu le plus en 2024, c’est l’A321. Deux tiers des ventes de la catégorie des monocouloirs ! soit 2/3 de 602 appareils. Dans ses différentes version Neo, remotorisés comme tous les A320 : normal, LR et XLR soit très long rayon d’action et de 180 à 240 passagers. On peut dire depuis deux ou trois ans que le NMA aurait été un succès à moyen terme. Mais il n’est pas là ! Le B797 sera-t-il le nouveau NMA ?
Boeing est pressé de décider, de choisir, à un bien mauvais moment, à moins d’avoir l’idée géniale, performante et écologique, économique et séduisante pour les passagers et les compagnies aériennes, et pour ma part j’espère avec des pilotes à bord.
Bon courage les amis. Il en va de votre devenir, et d’une saine concurrence. Ne trainez pas !
Michel Polacco pour AeroMorning.