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50% de biocarburants pour l’aviation commerciale !

La Chronique Aeromorning de Michel Polacco
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La propulsion est un facteur stratégique depuis les débuts de l’aviation. Moteur à vapeur, comme Clément Ader sur l’Eole ou l’Avion III, moteur électrique comme pour le ballon « la France » de Charles Renard et Arthur Krebs. À la naissance de l’automobile, et donc du moteur à explosion, on utilisait peu le pétrole même si cela faisait déjà 10 siècles que l’on savait produire du pétrole « lampant » très proche du kérosène ! Les motoristes utilisaient plutôt de l’éthanol, de l’huile d’arachide, comme Rudolf Diesel, vantant les avantages promis à l’agriculture ainsi nantie d’une nouvelle source de revenus ! La célèbre Ford T (1903 – 1926) roulait avec de l’alcool. Mais le pétrole, vite abondant et bon marché, a conquis avions et automobiles, et remisé les « biocarburants » de l’époque. Durablement. Leur mise à l’index nous paraît aujourd’hui s’achever.

Voici quelques raisons :

– le réchauffement climatique et la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES),

– le besoin d’anticiper la baisse inévitable des réserves de pétrole et les besoins croissants en énergie,

– la volonté de récréer une certaine indépendance énergétique, ou de diversifier les sources de dépendance,

– l’utilité de créer de nouveaux débouchés à l’agriculture,

– le désir d’ouvrir une voie au recyclage des déchets et produits usés (huiles, etc.).

Et le fait qu’au long de toute leur filière de production et d’utilisation les biocarburants produisent (ou produiraient) 80% de rejets carbonés en moins que le pétrole !

Ainsi depuis pas loin de 20 années le débat est ouvert tandis que les recherches s’accroissent et que tests et usages se multiplient. Il est démontré que la chose est possible en préservant la sécurité des vols. Du reste, on estime que 200.000 vols avec passagers ont été réalisés dans le monde (soit 0,06%) depuis 2011 en employant une part (souvent supérieure à 25%) de biocarburants mélangés au kérosène. Toutefois, on ignore encore jusqu’à quel pourcentage il sera possible de grimper ? On étudie les conséquences éventuelles à plus long terme pour les joints des moteurs, ceux des conduites de carburants, et plus loin, si les quantités embarquées devaient diminuer, sur le centrage des avions, les échanges thermiques auxquels participent les fluides, etc.

Les biocarburants se classent en gros en trois générations : la première globalement issue de l’agriculture, avec les huiles végétales (palme, tournesol, mais, blé, etc.), des graisses animales, des algues. La deuxième, qui y ajoute le recyclage des huiles, des déchets, la production de dérivés de l’alcool, de sucres, de bois (lignite, cellulose). La troisième fait l’objet de recherches et incorpore les micro-algues (algo-carburants) et d’autres matières issues de la biomasse. Bien sûr tous les produits concernés doivent faire l’objet d’une « certification » technique assurant les voyageurs aériens qu’ils ne courent pas de risque. Il faut également être en mesure de démontrer l’avantage « écologique » induit par ces carburants. Il ne faut pas non plus, au motif de réduire l’empreinte carbone de l’aviation, créer d’autres inconvénients environnementaux ou sociaux, comme par exemple diminuer lourdement la surface des terres cultivables disponibles pour l’alimentation des populations, ou rendre les tarifs aériens impraticables.

Le secteur aérien est, selon les estimations, responsable de 2 % à 2,5 % des GES. C’est 3% pour la marine marchande. C’est 4 à 5 fois moins que les transports terrestres. Mais, au niveau mondial, les industriels impliqués se sont engagés à plafonner les rejets dès 2020. Et en 2050, l’aviation commerciale devra avoir réduit son empreinte carbone à 50% de ce qu’elle était en 2005. Challenge qu’il faudra tenir malgré une croissance continue de l’activité de l’ordre de 5% l’an. Pour mémoire, on a dépassé en 2019 les 40 millions de vols, la flotte mondiale de jets approche les 30.000 appareils, et le nombre des passagers affleure les 4,5 milliards.

Bien sûr, pour arriver aux résultats escomptés il existe plusieurs voies. On ne peut nier que  bien du chemin a été parcouru depuis 50 ans, l’ère des jets, avec une remarquable diminution du bruit, de la pollution, de la consommation  (et un accroissement considérable de la sécurité et de l’efficacité). Mais si chaque génération d’avion permet un gain de l’ordre de 20% en matière de consommation, et plus en matière de rejets, cela demeure insuffisant. A l’aérodynamique des avions, leur allègement, qui leur permet de meilleures performances, l’amélioration notoire des moteurs, l’efficacité accrue des moyens de pilotage, de navigation, de contrôle de la navigation, de roulage au sol, de formation des opérateurs, doivent s’ajouter des mesures environnementales d’autre nature. La transition vers des systèmes de propulsion propres est une voie, notamment au travers de l’électricité. Mais il y a encore du chemin à faire en ce domaine pour les gros porteurs. Et les prophètes les plus sérieux ne visent que 2030 pour voir apparaitre en série un « commuter » électrique, sans doute hybride.

D’ici là, et plus rapidement accessible et efficace, il y a donc (parmi d’autres solutions à l’étude) les biocarburants, mêlés au carburéacteur. Ainsi Kérosène plus bio-kérosènes, devait permettre une transition active, une stabilisation des rejets, et donc aider à tenir les engagements.

Cela passe donc par la création d’une filière de production (y compris les raffineries) et de distribution (sur tous les aéroports) de ces nouveaux fluides. Avec une obligation de réduction forte des coûts. Les biocarburants, s’ils devraient à terme avoir l’avantage d’une certaine stabilité de leurs prix, comparé aux valses politiques du cour du pétrole, reviennent aujourd’hui à près de trois fois plus cher que l’or noir ! C’est ainsi que le gouvernement français a décidé au mois de janvier de lancer un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI). Et par cela de mobiliser tous les acteurs nationaux dans le cadre de l’Engagement pour la Croissance Verte (ECV) signé en 2017. Cet AMI réjouit les parties concernées, Airbus, Air France, Safran, Suez et Total. Cela va favoriser l’investissement dans des unités de production de biocarburants durables pour l’aviation et également faciliter des mesures d’accompagnement et d’incitation permettant de favoriser ces investissements. La feuille de route fixe un objectif d’incorporation de biocarburants de 2% dès 2025, de 5% en 2030 et de 50% en 2050. Impressionnant !

Chronique de Michel Polacco pour Aeromorning.com