Le plan Power 8 Plus ne fait pas de quartier. l’Anglais GKN a repris l’unité de production de Filton d’Airbus, Socata quitte officiellement le giron EADS pour rejoindre Daher et, la même semaine, Aerolia est mis sur orbite. Un nom nouveau, très tendance, auquel il faudra s’habituer. Cette nouvelle société, filiale à 100% du groupe EADS, réunit les établissements Airbus de Méaulte et Saint-Nazaire que Latécoère avait failli racheter l’année dernière. Une opération qui avait capoté in extremis.
Tôt ou tard, Aerolia, qui joue les intérimaires, devrait trouver un repreneur, en principe dans les 3 ans, puisque telle est sa vocation. A moins qu’elle ne se contente d’ouvrir son capital à de nouveaux venus. D’ici là, cette société de 2.200 personnes tentera de se faire la plus séduisante possible, notamment en cherchant de nouveaux clients. Déjà, elle s’affiche comme «leader français des aérostructures», sous-entendu devant son ex-futur repreneur et, ce qui est plus original, «numéro 2 mondial des sous-ensembles de pointes avant».
Voilà qui mérite d’être décodé. Airbus, depuis sa création en 1970, a soigneusement évité toutes duplications dans ses usines. Ses sites ont été spécialisés pour devenir de véritables centres d’excellence, l’un d’eux, peu connu, étant précisément celui de Méaulte qui produit les pointes avant de tous les avions de la gamme européenne. Une usine remarquable, dont la productivité est certainement exemplaire. Elle a cessé de plaire, semble-t-il, à partir du moment où, revisitée par les implacables auteurs de Power 8, elle a pris des allures lilliputiennes au sein d’un groupe digne de Gulliver.
Méaulte, plus personne ne semble s’en souvenir, est un haut-lieu historique de l’industrie aéronautique française. Henry Potez, un grand pionnier, y est né le 30 septembre 1891, a créé la Société des aéroplanes Potez en 1919, s’est associé à Marcel Bloch, et a entamé une brillante carrière d’industriel en région parisienne, à Aubervilliers tout d’abord, à Levallois ensuite.
Ses affaires ayant pris de l’ampleur, et fier de ses racines picardes, c’est dans sa ville natale que Potez a construit en 1922 une usine de 25.000 m2, à côté d’un aérodrome de 50 hectares. Agrandie en 1930, elle a porté un certain temps le titre remarquable de plus grande usine aéronautique au monde. Après les nationalisations du Front populaire de 1936, Henry Potez est resté aux commandes dans le cadre de la Société nationale de construction aéronautique du Nord. Pus tard vinrent Nord-Aviation, SNIAS, Aerospatiale et, finalement EADS. Henry Potez n’était plus là, bien sûr.
En termes de moyens de production, Méaulte fut incontestablement son chef d’œuvre. Une grande usine dans un décor champêtre improbable, clef de voûte de toute une région en matière d’emplois : Aerolia-Méaulte occupe plus de monde (1.300 personnes) que la ville ne compte d’habitants ! Elle est le poumon économique de cette partie de la Somme.
L’usine Potez a traversé toutes les époques, fut bombardée, changea de propriétaire et de nom avant de jouer un rôle crucial au cœur du «système» Airbus. Elle n’a pas démérité mais encore faudra-t-il le faire savoir urbi et orbi, malgré son nouveau nom difficile à porter. Pour tout dire, quitte à tout changer, nous l’aurions préférée portant le patronyme Latécoère.
La dure marche des affaires a voulu qu’il en aille autrement. A moins, bien sûr, que l’ex-candidat repreneur toulousain ne revienne à la charge dans 3 ans. Après tout, sous un nom ou sous un autre, Méaulte-Aerolia est toujours à vendre.
Entre-temps, de concert avec leurs collègues de Saint-Nazaire et de Toulouse, les compagnons de Méaulte entrent de plain-pied dans un nouveau monde. Aerolia se veut, en effet, «better, faster, greener», en anglais dans le texte. Son modèle ? Son homologue et concurrent américain Spirit Aerosystems, né d’un délestage de Boeing. Spirit cherche à travailler pour Airbus, Aerolia rêve d’avoir Boeing pour client. En aviation, rien n’est simple…
Pierre Sparaco – AeroMorning
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