La société PhilJets et son fondateur Thierry TEA : la résilience de l’Aviation d’Affaires en Asie du Sud Est
Mr Thierry TEA, Pouvez-vous définir votre activité et comment elle a débuté ?
2023 marque un véritable tournant pour PhilJets et nos équipes, car nous fêtons les 10 ans de notre startup spécialisée en services d’Aviation d’Affaires dont l’histoire a débuté en 2013 aux Philippines.
Partie de rien, la société PhilJets Aero Services proposait de la maintenance d’avions et du courtage de vols privés. Ensuite nous avons acquis la société d’affrètement aérien Zenith Air, basée à Manille, que nous avons renommée PhilJets Aero Charter.
PhilJets a alors ajouté à ses activités les capacités d’une compagnie d’aviation d’affaires qui gère une flotte d’avions privés et d’hélicoptères, opérant des vols de charter privés et du Aircraft Management pour ses clients. PhilJets assure également la vente de pièces de rechange, effectue de la maintenance et de l’entretien d‘aéronefs grâce à sa licence AMO (Aircraft Maintenance Organization) délivrée par l’Autorité de l’Aviation Civile des Philippines depuis 2015.
Depuis 2019, PhilJets est devenue partenaire de la Société de distribution aéronautique Sphere Aero qui est le distributeur des hélicoptères Bell. PhilJets est également distributeur de Safran Hélicoptères Engines depuis 2021.
La société est basée sur l’aéroport domestique de Manille et opère aux Philippines. Elle opère en Asie du Sud Est avec une filiale en Malaisie et une équipe basée à Singapour ainsi qu’à Phnom Penh au Cambodge.
Nous avons beaucoup souffert pendant les deux années et demi de pandémie avec quasiment toute la perte de notre activité charter entre Mars 2020 et début 2023. Depuis Septembre 2022, nous avons un nouveau Directeur des Operations, Denis Rinaudo qui a pu apporter ses 50 ans d’expérience de chez Airbus et qui vient d’être promu Directeur Général depuis Février 2023.
PhilJets compte actuellement 5 Français et 70 philippins.
Pouvez-vous décrire votre flotte aujourd’hui et nous dire où celle-ci opère ?
L’essor de la compagnie pendant 7 ans a été fortement impacté par la crise COVID pendant 3 ans. En 2023, la société compte aujourd’hui 15 machines (Bell, Textron, Gulfstream, Airbus Helicopters), après avoir culminé à 19 machines en 2021.
PhilJets opère et a en gestion du Bombardier Challenger 350, du Textron Citation Latitude, du Citation CJ4, du King Air 360 et King Air 350 ainsi que du Bell 429, du Bell 505, de l’Airbus H145, Airbus H130 et Airbus EC130B4. Cela est réduit par rapport à il y a 2 ans, mais personne à part nous-mêmes ne nous croyait capable d’opérer une quinzaine de machines aux Philippines, il y a 5 ans.
Comme beaucoup de startups et de PME, nos équipes ont dû faire preuve d’une énorme résilience pour survivre à la crise sanitaire, aux restrictions, et tous les challenges qui en ont découlé dont les clients qui ne voulaient plus ou pas régler, les différents contentieux et les conséquences sur la trésorerie. Nos équipes emmenées par notre ancien Directeur Général Robert Reguero, ont fait un travail remarquable pour tenir et survivre, malgré l’adversité et tous les problèmes rencontrés. Puis nous avions besoin d’expérience pour restructurer la société et nous avons donc mis en place un nouveau duo Technique et Commercial mené par Denis Rinaudo au poste de Chief Operations Officer qui a apporté son expérience de plus de 40 ans d’Airbus pour remonter l’activité.
La reprise est maintenant là, mais avec d’innombrables difficultés. En outre, l’aviation commerciale reprend et attire les pilotes, les techniciens, les employés des opérations sol en trop petit nombre pour l’ensemble des opérateurs. Les centres de formation sont aussi surchargés et peinent à recevoir de nouveaux élèves. Tout cela freine le redéveloppement de la société PhilJets qui déploie des efforts significatifs pour garder ses talents et former les nouveaux talents ou requalifier ses pilotes et techniciens. Pour compléter ces actions, un centre de formation PhilJets est envisagé pour une mise en place d’ici un à deux ans.
Où en sont les services de Broker de la société PhilJets ?
PhilJets effectue toujours son activité de Broker et l’exerce maintenant depuis Singapour où elle opère en partenariat avec Yugo Private Aviation, sur la Malaisie, le Cambodge, Singapour, la Thaïlande, et les Philippines. Sur ce dernier pays, la société PhilJets est aussi devenue partenaire du distributeur de Bell Helicopters. Si entre 2014 et 2018 PhilJets avait contribué à l’essor de la flotte d’Airbus H130 avec une dizaine de ventes ou commandes, entre la fin 2019 et 2022 c’est donc plus d’une dizaine d’hélicoptères Bell qui ont été vendus aux Philippines notamment les Bell 505 et Bell 429, très en demande en Asie du Sud Est, surtout aux Philippines. Au Cambodge également il y a eu de bons résultats avec plus d’une dizaine de ventes sur la période 2016 à 2021. Nous avons des demandes qui augmentent, et nous sommes optimistes pour la reprise du marché pour les 3 prochaines années.
Quels sont vos avantages par rapport à vos concurrents ?
Nos valeurs sont ancrées dans la notion de service de qualité que nous voulons le plus proche des standards internationaux pour un prix compétitif proche des tarifs locaux d’Asie du Sud Est hors Singapour.
Par rapport à la concurrence, PhilJets met en avant un service de proximité, très proche de ses clients mais aussi de ses fournisseurs (Bell, Safran, Textron).
Nous sommes une équipe de passionnés d’aviation, et qui adore la relation avec les clients. Nous voulons toujours nous améliorer. PhilJets a recruté Remy Aranda, jeune ingénieur aéronautique français de la région Toulousaine pour renforcer son équipe commerciale et former la partie jeune dynamique du binôme qu’il forme avec le très expérimenté Denis Rinaudo, ancien Directeur Technique et d’Operations chez Airbus Helicopters pendant plus de 40 ans.
Comment se porte le transport aérien privé (avion, hélicoptère) en Asie ?
Le boom du transport aérien privé continue aux US et en Europe et actuellement le marché y est significatif. La Chine traverse une période austère qui impacte tous ses voisins asiatiques. Les pays d’Asie du Sud-Est ont repris mais on ne sait pas encore jusqu’à quel point cela sera durable avec une Chine qui ne redémarre pas encore.
Les difficultés d’approvisionnement post COVID freinent la reprise des cadences de production d’aéronefs et ces difficultés d’acquisition d’aéronefs s’ajoutent à celles de la disponibilité de Personnel Navigant Technique ou personnel sol qualifié.
Cela permet à l’aviation commerciale de reprendre des parts de marché sur le transport aérien privé (les classes affaires refont le plein actuellement) et aux plateformes de partage d’avions ou d’hélicoptères (Open Fly, Wingly, Yugo) de se développer.
Pour sa part, PhilJets a signé un partenariat avec Yugo, une plateforme d’aviation privée qui se développe très bien.
Un signe de la confiance dans le développement de l’aviation dans la région, le Cambodge et les Philippines sont chacun en train de construire leur nouvel aéroport, portés par des initiatives privées qui peuvent se projeter sur la durée. En effet, le nouvel aéroport de Phnom Penh par le groupe OCIC et le nouvel aéroport de Manille par le groupe San Miguel, vont permettre de redonner un élan à l’aviation en Asie du Sud Est.
Et par rapport aux transports du futur, et en particulier les e-vtols (avions à décollage et atterrissage vertical), quels sont les projets de PhilJets ?
Pour ce qui est des e-Vtols, PhilJets a signé un engagement avec Ascendance Flight Technologies, basée à Toulouse qui développe un avion Hybride a propulsion hydrogène et électrique. Avec Yugo Aviation, nous avons également signé avec l’entreprise américaine Electra, et sommes en discussion avec la société japonaise Skydive, ainsi que les constructeurs de Vertiport dont Skyport.
La technologie est là, prometteuse. La grande question est quand passerons-nous à l’adoption et dans quelles conditions ? Au début il y aura certainement des couloirs limités, le temps que les autorités de réglementation des différents pays harmonisent leurs aviations civiles. On peut faire une comparaison avec la blockchain ou l’íntelligence artificielle, et même juste l’évolution des smartphones entre les avancées technologiques du Nokia au Blackberry jusqu’à l’Iphone d’aujourd’hui : « On va vivre d’ici 10 ans dans un monde auquel on n’aura pas forcément pensé aujourd’hui. La technologie aura beaucoup changé et on n’aura peut-être même plus les mêmes e-vtols que ceux qui sont actuellement développés aujourd’hui. Regardons Nokia ou Blackberry, ils sont passés de leaders incontestés à disparus ».
Pour cette raison, notre Holding d’Investissement Negocia Capital soutient la Décarbonisation de l’Aviation en ayant investi dans la Startup Française Ascendance Flight Technologies, l’un des champions français du « clean aviation ».
Le souci écologique est-il parvenu jusqu’en Asie ?
Le fait que l’Asie se dote d’e-Vtols est en soi une première avancée. Ceci dit en Asie, on se tourne bien volontiers vers les SAF (Sustainable Aviation Fuel ou carburant durable) qu’on regarde de très près. Chez PhilJets nous sommes très intéressés par son utilisation. Bell a fait des tests et nous les accompagnons dans cette logique. L’aviation privée décarbonisée a un brillant avenir sur tous les continents.
Pour le futur de notre société PhilJets nous allons bien sûr continuer à nous développer en Asie mais nous considérons aussi de pouvoir avoir des partenaires du moyen orient ou européens et américains qui sont très matures et nous restons ouverts au partenariat avec des entreprises de ces régions. Nous nous orientons vers des consolidations dans le marché de l’Aviation d’Affaires, sous différentes formes, pour pouvoir continuer à grossir sur ces marchés. Nadia Didelot pour AeroMorning