L’industrie de l’usine du futur est chez Figeac Aéro
C’est toujours avec autant de dynamisme que Jean-Claude Maillard, PDG-fondateur de Figeac Aero dans le Lot, a présenté son outil de travail. Mais cette fois, ce n’est pas dans des bureaux parisiens qu’il l’a fait. Mais dans les locaux de l’entreprise qui d’année en année ne cesse de prendre de l’ampleur.
Pour preuve, il a finalisé l’acquisition de 85 000 m2 de terrains qui jouxtent la zone industrielle de l’Aiguille où est implantée l’entreprise afin d’y installer un nouvel atelier d’assemblage et se donner les moyens d’une future expansion du site historique.
Ce n’est là qu’un des derniers investissements de l’entreprise devenue une ETI (entreprise de taille intermédiaire) après avoir ouvert son capital à trois reprises dont la 3ème pour un montant de 86 M€ il y a 6 mois. Renforcer la confiance des banques, disposer des moyens financiers afin d’être en mesure d’investir et avoir un bon niveau de rentabilité sont les leitmotivs de ce chef d’entreprise qui a aussi engagé trois autres chantiers à Figeac.
Il s’agit de la création d’un nouvel atelier dédié à l’usinage de pièces de grande dimension en aluminium, de l’extension de l’atelier d’usinage des métaux durs (principalement le titane et des Inconel) de grande taille et de cette fameuse usine du futur dont la notion pour abstraite qu’elle puisse paraître doit être l’objectif de tout industriel digne de ce nom.
Car il apparaît que depuis la création de l’entreprise il y a une trentaine d’années, Jean-Claude Maillard a toujours rêvé de l’usine du futur. C’est une sorte de course en avant qui fait qu’on cherche toujours à améliorer les concepts de production.
Dans ce domaine d’ailleurs une partie non négligeable (entre 17 et 20 M€) est dédiée à la R&D en vue d’accroître la productivité sur un investissement total de 90 M€ sur l’exercice qui s’achèvera fin mars 2017. Ces travaux d’études en productivité sont menés à Figeac et ensuite ils bénéficieront à toutes les autres unités du groupe mises en place soit pour se rapprocher d’un client ou d’un fournisseur, soit pour rechercher de la compétitivité.
En terme de proximité
Le patron de Figeac Aéro justifie la mise en place d’ateliers d’assemblage à Méaulte à proximité de l’usine de Stelia Aerospace – avec lequel il a signé un protocole d’accord valorisé à 400 M$ -, ou encore à Saint-Nazaire, au contact de Spirit AeroSystems pour qui il fournit des structures de planchers, qu’il assemble sur place, et que Spirit intègre au tronçon de fuselage des A350 dont il a la charge et qu’il livre ensuite à Airbus St. Nazaire.
La proximité avec Spirit AeroSystems en France lui a aussi fait gagner des contrats avec cet aérostructurier de rang 1 dont les principaux halls sont basés à Wichita. C’est ainsi que Figeac Aero a décidé de racheter une usine (qui appartenait au Belge Sonaca) située au cœur de ce fief américain de l’aéronautique. Il a d’ailleurs en passe de doubler la superficie de l’usine en lui adjoignant 6 000 m2 et de tripler les effectifs en 2 ans.
Aller chercher la rentabilité là où elle se trouve
Cette stratégie de proximité avec ses plus importants clients se double d’une stratégie de productivité. Pour être rentable il faut aller chercher la compétitivité là où elle se trouve. C’est ainsi que pour approvisionner ses usines d’assemblage (au nombre de 4 avec les ateliers de Figeac), l’entreprise a mis sur pied trois usines en zone « best cost » pour ne pas dire à bas coût. Il s’agit de la Tunisie où malgré la situation géopolitique parfois tendue, seul 3 jours ont été perdus depuis sa création, l’autre au Maroc qui a ouvert ses portes en septembre 2015 et qui bénéficiera d’un investissement de 25 M€ sur 5 ans, la troisième au Mexique pour alimenter à termes les activités de Figeac Aéro aux Etats-Unis. Pour l’heure cette unité qui a aussi démarré ses activités en fin 2015 se consacre essentiellement à l’usinage de ferrures et autres pièces métalliques de mécanismes des portes du Boeing 787 dont une partie est produite dorénavant au Mexique par Latécoère. Tout comme les deux unités implantées au Maghreb, l’usine mexicaine emploiera à terme 500 personnes, disposera des mêmes équipements et devra présenter un EBITDA (pour faire simple : excédent brut d’exploitation) aligné sur ceux délivrés par les unités maghrébines.
Toujours avec l’objectif d’atteindre un niveau de rentabilité le plus satisfaisant possible, Figeac Aéro a signé un accord avec le fournisseur de titane Russe VSMPO-Avisma en vue de la création d’une coentreprise (JV) à 50/50 dans laquelle les deux partenaires investiront chacun 10 M€. La JV annoncée en juillet 2014 devrait commencer ses activités lorsque Figeac Aero annoncera, vraisemblablement dans les deux mois à venir, un nouveau contrat avec « un grand de l’aéronautique ». Le cadre de l’accord stipule que VSMPO fournira les bruts de forge tandis qu’ils seront usinés (ébauche et finition) à Figeac, ce n’est qu’en 2018 que l’ébauchage sera fait à Salda dans la Vallée du titane russe. A l’horizon 2020, l’entreprise devrait compter une centaine de personnes.
L’usine du futur prend le relais
Les implantations étrangères de Figeac Aéro ne doivent pas laisser penser que c’est la planche de salut à une productivité « rentable ». Il est des cas où il est plus intéressant de produire en France qu’en allant chercher du côté de la Chine par exemple.
C’est pour le moins ce qu’a expliqué Jean-Claude Maillard en présentant « son » usine du futur qui a déjà commencé à se consacrer à l’usinage de viroles de carter intermédiaire (VCI) en titane. Ces viroles sont des pièces très techniques. De plus deux solutions ont été retenues : une solution forgée pour les viroles des moteurs Leap 1-A destinés aux Airbus A320neo, et une solution de fonderie (dont les secteurs sont soudés par faisceau d’électrons) pour les Leap 1-B des Boeing 737 Max. Ce qui d’ailleurs conduit à une différence de masse significative entre les deux types de VCI puisque celle du Leap 1-A pèse 86 kg, alors que celle du Leap 1-B pèse 106 kg.
Le cœur de cette usine du futur, explique Jean-Paul Duprat chef de projet de l’unité repose d’une part sur le regroupement de tous les moyens de production et de parachèvement nécessaire à l’usinage des viroles. Aujourd’hui nous avons choisi d’intégrer des opérations telles que les contrôles non destructifs, les traitements de surface, ce qui est source de réduction des cycles, tout comme l’est aussi le fait de produire à Figeac et non pas dans un pays où certes les coûts de main d’œuvre sont moindre mais où les immobilisations financières dues à la logistiques sont très fortes. Ainsi explique le PDG, en adoptant le principe de l’usine du futur, « nous gagnons 1,5 mois sur un cycle de 3 mois, rien que pour le cycle des traitements de surface on gagne 1 mois de cycle ». « C’est clairement grâce une étude par nos équipes de R&D approfondie des divers scenario de production que nous avons pu remporter le contrat auprès de Safran Aircraft Engines » explique en substance le PDG. Et quand on demande ce qui fait la force, ou ce qui défini le mieux cette usine du futur, c’est Jean-Paul Duprat qui a le dernier mot : c’est la gestion par superviseur à l’aide d’un automatique qui caractérise cette unité. Toutes les machines, tous les systèmes de contrôle tridimensionnel, de contrôle non destructifs, de traitements de surface etc. font l’objet d’une surveillance et toute dérive est signalée afin que dans la mesure du possible les corrections (changements d’outils, réglages des dérives machines etc.) soient faites de manière automatique et systématique.
Mais gageons que cette génération d’usine du futur chez Figeac Aéro laissera place à de nombreuses évolutions dans les années à venir pour satisfaire au mieux les exigences des clients tant en coûts mais surtout aussi en qualité et délais.
Nicole Beauclair pour AeroMorning