Les coopérations internationales imposent l’usage de l’anglais. Du coup, le monde aérospatial massacre la langue française.
Connaissez-vous le check-in paperless, agrémenté d’un fast track pour les First ? Et un vol code-sharé par deux airlines qui partagent les mêmes lounges mis à disposition des clients business ? Avez-vous déjà été victime du surbooking, résultat d’un monitoring audacieux des réservations ? Détenez-vous une carte de frequent flyer qui vous donne de bonnes chances d’être up-gradé en cas de problème ?
Si vous êtes dirigeant de compagnie aérienne, préférez-vous acheter des avions straight ou plutôt les leaser ? De manière plus générale, êtes-vous partisan de l’outsourcing ? Et y a-t-il de l’affordance dans cette question ? A vrai dire, il faudrait vous tasquer (peut-être écrivez-vous tasker), vous demander de traquer vos erreurs.
Overstatement ? Pas vraiment ! Tendez l’oreille, dans les colloques, les réunions, partout. C’est un mal insidieux, comparable à un virus informatique, qui se glisse discrètement dans nos vies, s’installe dans les entreprises puis se propage sans qu’on y prête attention. Son nom ? Le franglais. C’est-à-dire une langue polluée, massacrée, écorchée, un français honteusement dénaturé, ponctué d’innombrables termes anglais et d’inqualifiables barbarismes.
Depuis longtemps, le monde aérospatial francophone affectionne les termes anglais.
Une situation paradoxale : l’aviation a grandi chez nous, ce qui explique d’ailleurs que les Anglo-Saxons utilisent les mots fuselage, empennages, ailerons et bien d’autres. Mais, depuis bien longtemps, pour notre part, nous utilisons des termes anglais sans aucun discernement, pire, sans la moindre justification.
La langue constituant la clef de voûte de toute culture, la situation était déjà devenue préoccupante avant la multiplication des coopérations tous azimuts. EADS et Airbus fonctionnent exclusivement en anglais, Air France-KLM a dû s’y résoudre, elle aussi. Ce qui peut se comprendre pour des raisons strictement pratiques.
Cela étant dit, la gouvernance managériale (sic) des uns et des autres mériterait d’être adaptée aux circonstances avec un minimum de pragmatisme. Trop souvent, nous assistons, impuissants, à des scènes surréalistes de Français parlant en anglais à d’autres Français. Dernier exemple en date, celui d’une conférence de presse de Socata tenue dans une salle de l’Aéro-Club de France, exclusivement en anglais, face à des confrères français. Incompréhensible et inexcusable.
En matière de grandes entreprises, quelques bastions francophones subsistent, à commencer par Dassault Aviation. Snecma résiste, elle aussi, «malgré» trois décennies et demie de coopération étroite et fructueuse avec General Electric.
L’essentiel est ailleurs. Hors réunions, négociations, colloques et salons internationaux, nous n’avons pas la moindre excuse : nous nous devons de défendre notre langue. Il est risible en même temps qu’affligeant d’entendre de très nombreux cadres de l’aéronautique émailler leurs propos de termes anglais totalement injustifiés. Leur énumération serait impossible, tant la liste est longue (1).
Ainsi, le business model de telle entreprise utilise des
work packages réduisant le time-to-market, le tout reposant sur un lean management de la supply chain malheureusement impacté par le dollar faible. Nous pourrions dresser une première liste de lauréats qui se surpassent dans le cadre de cette opération de destruction de la langue française. D’ici, nous percevons les soupirs désabusés de Clément Ader, l’indignation de Louis Blériot, l’agacement de Marcel Dassault. On dit qu’ils envisagent d’en parler. Pour ce faire, l’un d’eux envisagerait d’organiser depuis l’au-delà …un conference call.
Pierre Sparaco-Toulouseweb-aero
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