Il était à peine 20 heures à Ajaccio le 1er août lorsqu’un Canadair de la Sécurité civile française a été stoppé dans sa procédure de décollage, victime de la rupture de la jambe droite de son train d’atterrissage. La décision a été quasi immédiate, les 12 appareils de ce type que la Sécurité civile possède sont interdits de vol. Une mesure prise à titre conservatoire » affirme le ministère de l’Intérieur dans un communiqué daté du 2 août et qui précise que seuls les CL-415 sont concernés.
En cas de feu de forêt, ce qui est une situation critique en ce mois d’août où les appareils de lutte contre les incendies sont les plus sollicités, ce sont les 8 avions Tracker et les 2 Dash-8 de la Sécurité civile qui assureront les missions soutenues en cela par des moyens sol renforcés. La Sécurité civile n’exclut pas non plus d’avoir « recours aux moyens aériens d’autres pays européens en cas de besoin dans le cadre du mécanisme européen de protection civile ou d’accords bilatéraux ».
Ce serait là un « rendu pour un prêté » car il est plus habituel que les appareils de la Sécurité civile française viennent en aide aux pays frappés par des vastes incendies que l’inverse. Tel est le cas le plus fréquents avec l’Espagne, le Portugal, l’Italie …, mais aussi avec des pays nordiques tels que la Finlande, la Norvège ou encore la Suède.
Les Canadair CL-415 de l’Aviation civile sont-ils à bout de course ? Non si on en croît des déclarations précédentes car la flotte des avions amphibies avait fait l’objet d’un renouvellement si bien que le plus vieux d’entre eux n’a que 20 ans. Aujourd’hui, se pose plutôt la question du renouvellement des avions Tracker, explique un confrère du quotidien « Les Echos » dans un papier paru, hasard du calendrier, il y a quelques jours le 28 juillet dernier. Car ces avions ont 58 ans d’âge moyen et ont déjà fait l’objet d’une reconstruction ou d’une rénovation complète. Il est donc prévu de les retirer progressivement du service entre 2018 et 2022, la limite de vie de leurs cellules sera alors atteinte. C’est pourquoi le ministère de l’Intérieur a lancé un avis d’appel public à la concurrence paru au Journal officiel du 12 juillet dernier.
Quels appareils vont les remplacer ?
Tous les ans à la même époque ressortent dans les journaux des articles sur les « pompiers du ciel » terriblement mis à contribution par les conditions climatiques. Si l’aspect humain est largement mis en avant, cette année a ressurgi la problématique de la disponibilité d’appareils de nouvelle génération ou pour le moins récents. Car le choix ne porte plus trop sur des appareils mono-tâche. Afin de maximaliser l’utilisation des avions bombardiers d’eau, les gouvernements se tournent de plus en plus vers des avions multirôles qui permettent d’assurer une mission de combat contre les incendies en période estivale, mais aussi de transport de marchandises ou de personnels en période hivernale. C’est d’ailleurs dans ce contexte que la Sécurité civile s’est dotée d’avions Dash-8 de la firme canadienne Bombardier. La France poursuivra t-elle dans cette voie ? Nul ne pourrait le dire à l’heure actuelle. Toujours est-il que le choix est limité et il n’est pas sûr que des développements qui seraient menés actuellement aboutissent dans les délais de manière à satisfaire les besoins de plus en plus pressants de la France.
Concernant les avions amphibies, ils n’ont plus une cote aussi ferme que par le passé. Cependant il est acquis qu’ils seront toujours de fidèles serviteurs de la cause. Et l’on voit toujours des projets ressurgir. Ainsi les Russes proposent-ils toujours leur Beriev-200, un gros porteur amphibie qui a déjà fait des campagnes de démonstration en France. Il a une masse maximale au décollage de 43 tonnes.
Les Chinois misent de leur côté sur l’AG600, le plus gros amphibie au monde dont l’assemblage final s’est achevé en fin juillet dernier à Zhuhai. Ce quadri turbopropulseurs a un rayon d’action de 4 500 km et une masse maxi au décollage de 53,5 tonnes. Il est annoncé comme pouvant écoper 12 tonnes d’eau en 20 secondes.
D’autres réalisations et projets sont menés tels que la conversion d’anciens 747 en avions bombardiers d’eau. En ce début août il ne nous a pas été possible d’avoir confirmation du projet mené par Air France Industrie concernant la conversion de deux 747-400 de la compagnie lancée en 2014. Mais il est évident que c’est un axe à ne pas négliger. Au vu des terribles incendies que subissent les états de la côte ouest des Etats-Unis, mais aussi de ceux que connaît de plus en plus régulièrement l’Australie, Boeing travaille à cette offre. Au moins c’est là un moyen de faire vivre cette famille d’appareils légendaires dont l’arrêt de la chaîne d’assemblage est à l’étude chez l’avionneur américain.
Dans une gamme un peu plus modeste, chez Airbus Defense & Space on travaille aussi à une adaptation des avions de transport militaire C-295 pour l’adapter aux besoins d’écopage et de largage d’eau ou de retardant. Une solution qui serait plutôt dans la gamme des capacités des Canadair CL-415 dont la licence vient d’être cédée par le groupe Bombardier à son compatriote Viking. Et même si aujourd’hui, c’est à Bombardier que s’adresse la Sécurité civile afin de déterminer si tous les CL-415 doivent être contrôlés (c’est Sabena Technics qui assure l’entretien de ces appareils à Nîmes) et la décision devrait être prise dans les heures à venir, ou si seul l’appareil opérant en Corse est concerné par cette rupture de train, il semble que beaucoup d’interrogations se lèvent pour le choix futur.
Car d’une part la France agit de concert avec ses homologues européens afin de disposer de flottes compatibles et faire en sorte d’optimiser l’utilisation de leurs avions bombardiers d’eau. Ensuite parce que le choix du Dash-8 qu’avait fait que la France reste liée au constructeur canadien Bombardier empêtré s’il en est dans le développement de sa famille d’avions civils CSeries et pas plus concerné actuellement que cela par des modifications d’avions commerciaux en avions de lutte contre le feu.
Nicole Beauclair pour AeroMorning