C’est toujours avec nostalgie que la chaîne de production d’un avion, fusse-t-il à vocation militaire, s’arrête. C’est ce qui vient de se dérouler le 29 novembre à Long Beach d’où est sorti le « der des der » des très gros porteurs militaire C-17 Globalmaster III.
Le dernier et 279e appareil a pris son envol pour rejoindre le site de Boeing à San Antonio (Texas) en attente de sa livraison à son acquéreur, la Force aérienne Qatari (Qatar Emiri Air Force) au début 2016.
Ce n’est toutefois pas tout à fait la fin d’une époque puisque l’appareil est en service dans les forces aériennes de six pays : les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada, l’Inde, le Qatar, les Emirats arabes unis, le Koweit et l’Otan. C’est dire que nous reverrons cet avion en action, et notamment actuellement dans les pays troublés du Moyen-Orient.
Cela fait donc maintenant près de 35 ans que l’on parle de cet appareil qui fut conçu au début des années 1980 par la firme McDonnell Douglas qui devait être rachetée par Boeing à l’été 1997. Dès le départ, le programme a connu des soucis et c’est avec une année de retard sur les prévisions que l’appareil a fait son premier vol le 15 septembre 1991. Ce ne fut alors qu’une suite de retards, mais aussi de surcoûts qui ne sont pas sans rappeler les déboires que connaît l’A400M, un appareil européen développé par Airbus en service dans l’Armée de l’Air française mais qui n’en fini pas d’étaler ses problèmes.
On peut imaginer que le climat dans lequel s’est déroulé leur développement (pour le C-17), et se déroule encore (pour l’A400M) a quelque chose à voir avec ces retards successifs dans les programmes ainsi que dans la dérive des coûts. Car les incertitudes qui ont depuis l’origine plané sur le programme C-17 et l’intégration d’une nouvelle culture d’entreprise lors de l’acquisition de McDonnell Douglas par Boeing ont été des facteurs perturbants tant pour les concepteurs que les opérateurs inquiets pour leur avenir.
Du côté de l’A400M, les premiers problèmes de taille qui se sont fait jour concernaient la motorisation, les turbopropulseurs TP400 développés par le consortium européen Europrop International (EPI) au sein duquel les problèmes de gestion de programme se sont fait lourdement ressentir. Pas question ici de dresser une liste exhaustive des problèmes rencontrés, mais tout comme pour le C-17 on constate que la direction du programme a changé à plusieurs reprises entre les avions commerciaux (Airbus) et les avions militaires d’Airbus Defence & Space. Les retards s’accumulant, cela a d’ailleurs valu la tête du patron d’Airbus Defence en ce début d’année 2015.
Une chose est certaine. Et même si on me taxe de « rabâcher » des vérités, on note une fois encore que des programmes d’avions, qu’ils soient civils ou militaires sont toujours en retard sur les prévisions avancées. Il faut admettre que lorsque les industriels souhaitent à juste titre franchir des sauts technologiques, de nombreux écueils se dressent devant eux et qu’il est toujours difficile d’estimer la durée des développements et de l’industrialisation.
Et, du côté des coûts, les retards engendrent inévitablement des dérives, sans compter que pour arriver à convaincre les banquiers (surtout dans le cas des activités commerciales) ou les armées (pour les avions militaires ou systèmes d’armes) la tendance est peut être humainement d’annoncer des coûts minimisés afin de remporter les marchés.
Des considérations qui m’amènent à penser que l’avenir de l’A400M aussi sombre qu’il puisse paraître actuellement devrait se faire une place dans les flottes des forces ariennes autre que celles qui l’ont déjà commandé. L’Egypte pourrait d’ailleurs être le premier client de ce programme mené en partenariat entre 7 pays européens : Allemagne, France, Espagne, Grande-Bretagne, Turquie, Belgique et Luxembourg, qui en ont commandé 170 exemplaires dont le premier a été livré à la France en avril 2014.
Un programme tire sa révérence, un autre doté d’une nouvelle gouvernance doit pouvoir connaître un bel avenir.
Nicole Beauclair pour AeroMorning
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