La réhabilitation historique de Nungesser et Coli peut-être à portée de la main.
C’est tout à la fois l’histoire de deux héros de l’aviation française des années vingt et celle d’un chercheur acharné aujourd’hui bien décidé à faire éclater la vérité : à bord de leur biplan Levasseur baptisé L’Oiseau Blanc, Charles Nungesser et François Coli auraient bel et bien traversé l’Atlantique, d’est en ouest, en mai 1927, plusieurs jours avant l’exploit de Charles Lindbergh. Et Bernard Decré, chercheur infatigable, entend le prouver.
Son combat est bien connu et il y a maintenant près de 5 ans qu’il défraye la chronique. Et peut-être est-il sur le point d’atteindre son but, sans intention quelconque de réécrire l’histoire. Tout le monde est heureusement d’accord sur l’essentiel, à savoir que Lindbergh est et restera à tout jamais le vainqueur incontestable de l’Atlantique nord. Nungesser et Coli, en effet, ont échoué dans la mesure où ils ne sont jamais arrivés vivants à destination. Plus personne n’a entendu parler d’eux après leur décollage du Bourget, le 8 mai 1927, à 5 h 51. Ils ont été vus pour la dernière fois à 6 h 04, au-dessus d’Etretat, alors qu’ils volaient, lourdement chargés, à 200 mètres d’altitude. Mais le silence qui a suivi ne signifie évidemment pas pour autant qu’ils soient tombés en mer avant d’atteindre l’Amérique du Nord.
Tout au contraire, les indices se multiplient, des preuves semblent à portée de la main et Bernard Decré, sans se risquer à crier victoire, se sent tout près du but. Il voudrait, tout simplement, rendre à Nungesser et Coli ce qui leur est dû. Et c’est dans le Maine, et à proximité Saint-Pierre et Miquelon qu’il espère trouver la preuve irréfutable de ce succès. Solitaire en un premier temps, le combat est désormais encouragé de toutes parts et bénéficie notamment du mécénat du groupe Safran et de l’aide de trois ministères, ceux de la Défense, de la Culture et des Outre-Mer.
Cette obstination est remarquable. En effet, avant Bernard Decré, d’autres spécialistes ont échoué, à commencer par le Tigar américain, The International Group for Aircraft Recovery, celui-là même qui ne désespère pas de retrouver la trace de la célèbre aviatrice Amelia Erhard. Reste le fait que la tâche est immensément difficile : après plus de trois quarts de siècle, seul le moteur Lorraine-Dietrich (d’un poids de 450 kg) pourrait être retrouvé au fond de l’eau. Ou «deux ailes blanches» qui auraient été repêchées et conservées à l’époque.
A peine arrivé au Bourget, Lindbergh avait demandé des nouvelles de ses collègues français : «have we got news from Nungesser and Coli ?». Son petit fils, Erick Lindbergh, encourage Bernard Decré à poursuivre ses patientes recherches et, récemment, a jeté à la mer une gerbe de fleurs, là où les aviateurs pourraient avoir disparu. Ils auraient été vus ou entendus à Terre-Neuve par une quinzaine de témoins, un pêcheur, Gaby Briand, les aurait entendus depuis sa goélette, des bribes d’informations apparaissent dans les archives des Coast Guards, etc. «On est en plein roman policier, c’est une histoire extraordinaire», répète Bernard Decré, entre deux visites aux archives nationales américaines de Washington ou à celles des DOM-TOM d’Aix-en-Provence.
Les calculs ont été refaits à l’infini. Les réservoirs de L’Oiseau Blanc contenaient 4.025 litres d’essence et le Levasseur, volant à 70% de sa puissance, consommait 100 litres à l’heure, pour une vitesse de croisière de 160 à 165 km/h. Il était donc parfaitement capable d’atteindre son but. A-t-il été victime d’une panne ? A-t-il été abattu parce que, en pleine prohibition, il aurait été confondu avec un avion de fraudeurs d’alcool ?
Bernard Decré a ravivé notre curiosité. On lui souhaite d’autant plus sincèrement d’arriver à ses fins.
Pierre Sparaco – AeroMorning
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