La Chine, qui s’éveille, donnerait-elle des sueurs froides à ATR ? On est en droit se poser la question à l’examen du projet MA700 de Xi’An Aircraft. Cette composante du puissant groupe AVIC envisage en effet de lancer un biturbopropulseur à 70 places qui ressemble étrangement à l’ATR 72. S’agit-il d’un pur hasard ou d’un plagiat ?
Personne, bien entendu, ne se hasarde à commenter les «similitudes remarquables» entre les deux avions. D’autant que le MA700 n’est pour l’instant qu’un projet, envisagé sur la lancée du MA60, plus petit, actuellement en production (notre illustration).
Au siège d’ATR, c’est la discrétion qui est de mise. On le comprend d’autant mieux que la situation est potentiellement embarrassante, d’autant que Xi’An est aussi l’un de ses sous-traitants, chargé de la production du caisson central et d’une importante section de fuselage de l’ATR 72.
Avec un palmarès de qualité, l’industrie aéronautique chinoise n’a besoin de personne pour concrétiser de grandes ambitions. Ainsi, le biréacteur régional ARJ21, dont 206 exemplaires sont déjà commandés alors qu’il n’a pas encore effectué son premier vol, fait l’objet d’appréciations élogieuses. Et l’objectif de la Chine de mettre sur le marché un avion de la catégorie des Airbus A320/A321 est à prendre avec le plus grand sérieux.
La question qui est ainsi posée est tout autre. Avant d’utiliser les mots qui fâchent, c’est-à-dire plagiat, parodie ou pastiche, il convient de se pencher sur la notion d’état de l’art, traduction littérale d’une expression née outre-Atlantique, «state of the art», qui vaut mieux qu’un long discours.
A tout moment, en effet, deux bureaux d’études n’ayant aucun contact entre eux, s’ils sont chargés simultanément de projets visant le même objectif, présenteront en toute logique des concepts similaires, voire identiques, à première vue tout au moins, précisément parce que l’état de l’art ne connaît pas de frontières.
Il en allait déjà de même, par exemple, du temps de l’URSS. Le Tu-144 ressemblait beaucoup à Concorde mais il est peu probable que de sombres opérations d’espionnage industriel aient joué un rôle réel dans cette similitude. De même, Boeing 707 et Douglas DC-8 affichaient un faux air de famille, tout comme, beaucoup plus tard, les Lockheed L-1011 TriStar et Douglas DC-10. Aujourd’hui, les cas de grande ressemblance sont toujours aussi nombreux : qui, sur un aéroport, n’a jamais confondu A321 et 757 ?
Concevez un avion à 70 places autour d’un fuselage permettant d’installer correctement des rangées de 4 sièges, dotez-le d’une aile haute et d’un train d’atterrissage s’escamotant dans le ventre de l’appareil. Pour le propulser, vous vous adresserez inévitablement à Pratt & Whitney Canada, orfèvre en la matière. Dès lors, planche de bord mise à part (mais elle n’est évidemment pas visible de l’extérieur) un seul choix sera difficile, celui des hélices, Hartzell ou Ratier-Figeac.
Les vrais atouts susceptibles de faire la différence aux yeux d’une compagnie aérienne sont ailleurs. Ainsi, par exemple, la maîtrise des matériaux composites permet aux avionneurs de réduire la masse de la structure et d’alléger ainsi les coûts d’exploitation. Et un service après-vente au-dessus de tout soupçon, résolument international, constitue un argument commercial de taille.
Dès lors, le nouveau projet chinois MA700 ne mérite pas de faire l’objet d’une petite polémique. Il nous rappelle tout au plus une évidence, à savoir qu’il faut désormais compter avec la Chine. Pour le confirmer, nous n’avons pas besoin de Xi’An.
Pierre Sparaco – AeroMorning
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