Toulouse, le 2 mai 2017. La société Liebherr vient de publier d’excellent résultats. Nicolas Bonleux, Managing director nous explique la stratégie et en avant première les secrets de cette réussite. (A la fin de cet article, la vidéo de 14 minutes)
La division aérospatiale et ferroviaire a cru de 4% l’année dernière et une croissance de 5% est attendue en 2017 dans une perspective de croissance soutenue à long terme, portée par les augmentations de cadences et les entrées en service de nouveaux programmes de ses clients ( l’A320néo mais aussi le Cseries de l’avionneur Bombardier et l’A350), et également dictée par tous les succès commerciaux que Liebherr a obtenu récemment et qui permettent d’avoir une croissance de chiffre d’affaire qui complémente les augmentations de cadences. Par exemple, le soutien de Bombardier avec le 1er vol du Global 7000, leur dernier avion d’affaire, ou Embraer pour le Ejet E2, deux programmes qui sont en développement et qui commenceront à générer du chiffre d’affaires à partir de l’année prochaine.
Pour Nicolas Bonleux, le succès commercial de Liebherr est dû à deux paramètres essentiels :
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- l’investissement dans la technologie : Liebherr Aerospace and Transportation investit en R&D des montants qui sont bien au-delà de la moyenne du secteur et + de 17% de son Chiffre d’affaire en moyenne sur les 5 dernières années ; c’est beaucoup plus que la moyenne du secteur aéronautique qui se situe plutôt entre 10 et 15% du chiffre d’affaires.
- Ensuite dans les moyens de production. Liebherr investit en actifs, dans de nouvelles usines ou aussi dans la modernisation de ses outils de fabrication, des montants tout à fait substanciels de l’ordre de 6 à 7% de son chiffre d’affaires, de manière à préparer l’usine du futur, les montées en cadence, et la compétitivité de demain.
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Pour illustrer ces gros investissements, la conception d’un produit en 3D qui a remporté un grand succès, un bloc vannes pour l’actionneur de spoiler de l’A380.
Liebherr a commencé à investir dans la fabrication 3D il y a plusieurs années, et il y a quelques jours pour la première fois, une pièce critique d’un système critique qui sont les commandes de vol primaires fabriquée en 3D a volé sur un avion d’essais, l’ A380. Cette pièce a passé toutes les étapes de qualification et de vérification. Elle a été fabriquée grâce à l’impression 3D en titane, avec différentes couches de poudre de titane împrimées les unes sur les autres qui permet 35% de gain de masse sur cette pièce, des temps de fabrication plus courts, un gain dans la fiabilité des pièces puiqu’on arrive a faire en un seul bloc ce qui nécessitait plusieurs pièces auparavant.
Nicolas Bonleux précise que de nouvelles annonces de premiers vols de pièces imprimées en 3D sur d’autres avions vont bientôt se faire. Il ajoute que ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’une pièce en 3D vole sur un avion puisque Liebherr a déjà fait voler des pièces de conditionnement d’air sur des hélicoptères. « Les pièces de conditionnement d’air ne sont pas critiques pour le vol, ce qui est nouveau dans la pièce qui a volé sur l’A380 c’est que la pièce est une pièce critique pour le vol puisqu’elle appartient au système de commandes de vol primaires.
Le fait d’implanter des usines hors de l’Europe représente un gros avantage pour Liebherr, société authentiquement européenne puisque basée pour le plus gros de ses effectifs en Allemagne et en France. Sur les 5000 personnes de Liebherr Aerospace & Transportation 2500 personnes sont basées en Allemagne et 1300 en France. La gouvernance de la division est franco-allemande avec 4 directeurs généraux, 2 allemands et 2 français. « C’est un atout très puissant notamment dans le monde de l’aéronautique européen, un aspect qui aide de façon très substantielle Liebherr Aerospace et cette logique d’internationalisation de ses opérations est guidée par les marchés. En réalité il ne s’agit pas vraiment de délocaliser mais d’installer des équipes et des usines là où sont les clients. Pour l’aéronautique, c’est en Amérique du Nord, en Russie, en Chine, au Brésil et en Inde. Ce sont les 5 pays hors Europe dans lesquels Liebherr développe sa présence, soit avec des équipes d’ingénierie, soit des équipes de services aux clients, soit à travers de la fabrication, pour appuyer les flottes d’opérateurs qui ont à bord de leurs avions les systèmes ou les équipements de Liebherr Aerospace & Transportation. Une stratégie payante car Liebherr à pu ainsi développer avec ses clients avionneurs principaux des relations extrêmement privilégiées qui ont contribué à la rapidité de croissance du chiffre d’affaires de l’entreprise qui a démontré à ses clients que grâce à cette proximité Liebherr leur apportait une valeur qu’ils n’auraient pas eue autrement. »
Nicolas Bonleux énumère que c’est ainsi qu’avec Boeing aux USA, Bombardier au Canada, Embraer au Brésil, Sukhoi en Russie, et Comac en Chine, Liebherr a développé des relations extrêmement privilégiées et son chiffre d’affaire croît très rapidement, à la mesure des programmes que les avionneurs lancent et pour lesquels Liebherr est toujours sélectionné pour les accompagner.
Aujourd’hui l’immense majorité du chiffre d’affaire de Liebherr aerospace est constitué par les avionneurs dont les cadences sont les plus hautes, et donc Airbus, Boeing, Embraer et Bombardier, par contre, la division commence à voir dans son chiffre d’affaires « customer service après vente » un déplacement du chiffre d’affaire des continents Europe de l’ouest et Amérique du Nord vers l’Asie.
Liebherr commence à voir aussi poindre une tendance de construction d’avions en Asie, avec COMAC, dont la part dans le chiffre d’affaire de la division aerospace croît . Cette division fait aussi du ferroviaire, et dans cette dernière activité, la plus grosse industrie ferroviaire mondiale, le chinois CARC, avec laquelle Liebherr a très clairement déplacé le centre de gravité de son chiffre d’affaires de l’Europe vers la Chine.
En ce qui concerne la France, la stratégie de Liebherr pourrait changer en fonction de l’élection présidentielle. Selon Nicolas Bonleux « il est évident que l’aéronautique étant internationale, Liebherr étant une société authentiquement européenne, dans un tel contexte, ce serait un grand risque pour Liebherr que l’un des pays majeurs de l’Union Européenne comme la France puisse quitter l’Euro. L’euro est une monnaie d’affaires très importante pour Liebherr que la société essaie d’établir en alternative au dollar. La sortie d’un pays majeur de l’Union européenne et en l’occurrence la France constituerait un affaiblissement de l’euro et donc amoindrirait la capacité collective de Liebherr d’imposer l’euro comme monnaie d’échange. Aujourd’hui Liebherr facture l’essentiel de ses activités en dollars, mais Liebherr essaie de plus en plus de facturer en euro pour ne pas être dépendants des cours du dollar. Un euro qui est une vraie monnaie internationale d’échanges serait un atout pour développer l’emploi en France.»
Pour les évolutions futures, cette année le salon du Bourget sera pour Liebherr terriblement excitant car la division va exposer de nouveaux produits inédits, des produits sur des avions en cours de développement et que Liebherr va pouvoir exposer. Des avionneurs ou hélicoptéristes dont les programmes sont en cours de développement. Des programmes structurants pour lesquels Liebherr a été sélectionné ces dernières années.
Liebherr va aussi présenter au salon du Bourget sa nouvelle ligne de produits pour l’électronique. Nicolas Bonleux explique que le groupe a développé une compétence en électronique depuis les vingt dernières années tout à fait exceptionnelle. Que ce soit en électronique de puissance ou en électronique de contrôle, et notamment pour préparer l’avion électrique du futur.
Jusqu’à présent, Liebherr proposait dans des packages de commandes de vol, de trains d’aterrissage ou de systèmes d’air des équipements électroniques intégrés. Aujourd’hui, le groupe a atteint une telle maturité dans cette conception et cette fabrication d’électronique, qu’il offre l’électronique seule, pour des packages qui seraient strictement électroniques à bord des avions, se positionnant comme un fournisseur d’électronique pour les avions du futur, notamment les avions plus électriques.
Il y a quelques mois Liebherr a fait voler à bord d’un avion d’essai Airbus A320 un pack de conditionnement d’air 100% éléctrique, et l’électronique de puissance qui a permis à ce pack de conditionnement d’air de fonctionner avait été conçu et fabriqué par l’entreprise.
Liebherr a maintenant trouvé, avec un réseau de partenaires comme Thalès ou les laboratoires Laplace ou encore l’IRT des réponses à la montée en tension en matière de transport d’électricité permettant aux avionneurs de construire de nouvelles formes d’avions.
Une chose est certaine, dans l’avion électrique du futur, la capacité à gérer l’électronique et notamment à la fois les charges électriques et les charges thermiques qui en résultent, sera un très fort différenciant. La compétence de Liebherr est exceptionnelle de ce point de vue là. »
Nadia Didelot pour AeroMorning.