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Jean Pierson : Un patron d’Airbus « en couleurs » nous quitte

La Chronique Aeromorning de Michel Polacco
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Ce fut un grand patron. Son rôle dans le développement et le succès des Airbus fut décisif.

Jean Pierson est un ancien ingénieur élève de Sup-Aéro promo 1963. Né en 1940 à Bizerte, études au Prytanée Militaire de la Flèche, il intègre l’Ecole Supérieure de l’Aéronautique et de l’Espace dont il ressort en 1963 pour entrer directement à Sud-Aviation. Il y fera toutes ses classes, jusqu’au poste suprême d’administrateur gérant d’Airbus Industrie, GIE européen, ancêtre de la société Airbus aujourd’hui, qui a dévoré ses maisons mères. (la filiale franco-allemano-britannique est devenue société mère de tout le groupe aéronautique, spatial et défense).

Il va travailler sur le programme Concorde, encore en cours de définition, et dont la présentation aura lieu en 1967 et le premier vol en 1969. Il va en organiser la production. Il fera un stage  chez British Aircraft Corporation, l’autre partenaire Concorde, en Grande Bretagne, sur la chaîne Concorde. Il y perfectionnera, entre autre, son d’anglais . En 1972, il prend les rennes de la division « avions légers » d’Aérospatiale (qui a succédé à Sud-Aviation entre temps), la Socata, ex Morane –Saulnier. Il produit les « Rallye », et des pièces pour les appareils plus gros, avions et hélicoptères d’Aérospatiale.

En 1976, il devient le Patron de l’usine de production de Toulouse Blagnac. Là où l’on avait construit les Caravelle, les Concorde et les premiers Airbus A300B depuis 1972. Airbus ne décollait pas. Ce très gros biréacteur était novateur dans un monde de gros porteurs modernes dominé par les triréacteurs (Mc Donnell Douglas et Lockheed) et quadriréacteurs (Boeing B747). Pourtant, 50 ans après, les quadriréacteurs disparaissent des cieux et les biréacteurs franchissent les larges océans !

La production d’Airbus se passe dans de très bonnes conditions en termes de qualité, même si les ventes sont quasi-nulles. Roger Béteille et Félix Kracht, les pères d’Airbus, ont réussi le montage du GIE et fait le bon choix d’un avion gros porteur novateur. Mais sans le marché US, avec les seules commandes imposées d’Air France et de Lufthansa, et de rares autres, les appareils produits s’accumulent sur les parkings de Toulouse : « les queues blanches ». Sans logo de compagnies clientes … Le patron du GIE, Bernard Lathière se bat et fini par placer des avions, les A300B4 chez Eastern Airlines, dirigée par l’ancien astronaute Frank Borman, l’un des 3 premiers humains à avoir vu la face cachée de la Lune, avec Apollo 8 !). Succès. Commandes.

La production démarre vraiment. Pierson cadence tout cela avec talent et en 1985, il est nommé patron du GIE, à la suite de Bernard Lathière. Ce seront des années époustouflantes. Au gros Airbus A300B2 qui a évolué, (B4, plus A310, puis A300-600), se sont ajoutés les plus petits monocouloirs très modernes, à commandes de vol électriques, les A320. Pierson va courir le monde pour les vendre. Et il va en vendre beaucoup. Tant, que c’est l’avion qui a permis le démarrage réel d’Airbus et d’encaisser des profits, face à Boeing. Douglas disparait du paysage, Lockheed également. Les deux géants restent face à face. Anecdote : En 1996 se dispute l’un des « marchés du siècle ». Le client US Airways hésite entre les A320, très modernes et novateurs, mais chers, et les Boeing B737, plus classiques et de conception plus ancienne. 400 avions sont en jeu ! En ce temps ou ils se vendent au mieux par 5 ou 10. Pierson avec son équipe a bien avancé. L’affaire est presque dans le sac. Le champagne est sur la table de Stephen Wolf, le boss d’US Airways. Et là, il exige, avant de signer, une dernière remise de 2%. Cela fait 25 millions de dollars ! Pierson blanchit. Tout s’écroule. C’est la marge pour Airbus. Désespoir. Et là, doucement, regardant Wolf dans les yeux, il défait sa ceinture de pantalon, le déboutonne, le laisse tomber sur ses chevilles. En slip, devant les participants médusés, comme pleurant, il lâche au patron d’US Airways : «  Stephen, je suis déjà à poil. Tu veux aussi mon caleçon ! Eclats de rires… On respire. Wolf n’insiste plus. Il signe. Voilà Pierson : Humour, persévérance. compétence, culot. *

Jean Pierson assurera donc le succès, qui va devenir mirobolant de l’A320, que Roger Béteille avait lancé avec Bernard Ziegler. Puis il sera celui qui aura encore élargi la moderne famille à l’A330 et l’A340 (avec lequel j’ai fait le Tour du Monde en 48 heures en 1993, avec une seule escale, voir mon ouvrage avec Gérard Guyot*) et les dérivés de l’A32 : les A319, A321 puis A318. Et il prépare, pour le cas où, un concurrent plus gros encore au Boeing B747 : l’A3XX. Mais hésite à le lancer. Il en remettra le dossier déjà très élaboré à son successeur en 1998, lorsqu’il quitte, sur sa décision, la tête du GIE. Il laisse place à une réforme qui lui paraissait essentielle. Et qui ménageait les partenaires allemands, anglais, espagnols, belges et français. Comme il s’y était toujours attelé. L’A380 sera lancé en 2000 par Jean Luc Lagardère.

Nous nous somme revus et avons souvent échangé sur l’évolution de ce qui « d’Aérospatiale » est devenu « EADS » puis « Airbus ». Il avait un regard à la fois heureux et critique. Heureux car Airbus est aujourd’hui le premier producteur mondial d’avions civils, et ses successeurs ont largement bénéficié de tous les choix stratégiques faits depuis le début du GIE. Et critique car les bisbilles franco-allemandes, les jeux d’actionnaires apprentis sorciers, les interventions des états pas toujours pertinentes ont fait bien des dégâts, par chance surmontés, par les revenus formidables des A320 et de leur famille, par le grand talent des ingénieurs et compagnons des usines et des bureaux d’études, par les erreurs et fautes des concurrents, par le coup fatal porté à Boeing sur le très gros porteur. Même si l’A380 n’aura pas été un succès industriel, car pas assez vendu, ce très bel et bon avion a brisé le monopole américain des gros porteurs et la source de revenus astronomique qu’il représentait.

Jean Pierson laisse une fille (pilote) et deux garçons (également dans l’aéronautique), auxquels j’adresse mes sentiments affectueux et tristes.

Michel Polacco

* Voir mes ouvrages en rapport :

  • Le Tour du Monde en 48 heures, avec Gérard Guyot. Le Cherche Midi Ed. 1993.
  • Airbus A380, chez EPA Editions, Le Chêne/Hachette. 2007.
  • Une brève histoire de l’aviation, BHA Editeur. 2013.

Liens :

Libération : https://www.liberation.fr/portrait/1998/03/31/y-sont-beaux-mes-avions_231725/

https://www.aerobuzz.fr/industrie/deces-de-jean-pierson-lhomme-qui-faisait-trembler-la-planete-de-laerien/