Entre le développement de la maintenance prédictive et la démocratisation du Wi-fi cabine, la connectivité à bord des avions civils n’a cessé de prendre de l’ampleur ces dernières années : les estimations parlent d’un marché qui pourrait atteindre une valeur de dix milliards de dollars par an en 2024. Rockwell Collins, un des chef de file dans le domaine et fournisseur reconnu d’Airbus, est l’entreprise qui équipera prochainement une partie des Airbus de sa solution FOMAX (Flight Operations and MAintenance EXchanger), dédiée à l’amélioration des performances des compagnies aériennes par l’acquisition et l’envoi massifs de données.
Récolter une multitude de données pour servir aux opérateurs aériens
Avec un carnet de commande qui s’élève à plus de 10 600 avions, le marché des monocouloirs explose et n’a pas fini de dynamiser l’industrie aéronautique. Malgré cela, la plupart des avions produits aujourd’hui – parmi lesquels l’Airbus A320 et le Boeing 737 – intègre encore des technologies dont la conception initiale remonte à la fin du siècle dernier. C’est notamment le cas les systèmes d’enregistrement des données de l’avion, qui reposent aujourd’hui sur le QAR (Quick Access Recorder). Cette unité, qui enregistre plusieurs centaines de paramètres de l’avion au cours de chaque vol (paramètres de vol, données moteurs et systèmes) doit être systématiquement récupérée au sol pour en tirer des informations qui serviront à la maintenance et aux opérations. Un processus long et coûteux, qui n’apporte finalement qu’une quantité de paramètres limités.
Rockwell Collins a su identifier voilà quelques années un besoin pour une solution plus efficace auprès des opérateurs aériens. Réalisable grâce aux progrès technologiques en matière d’envoi et de stockage d’informations, cette solution a par la suite été développée pour donner forme à l’actuel FOMAX. D’après Philipe LIEVIN, Directeur Commercial des solutions numériques pour l’aviation chez Rockwell Collins France : « Concrètement, FOMAX repose sur un super-routeur embarqué à bord de l’avion. Connecté à un vaste dictionnaire de données produit par les systèmes avioniques, celui-ci est capable d’enregistrer au moins 24 000 paramètres par vol sur un A320, face aux modestes 400 paramètres collectés avec l’ancienne solution du QAR ». Une véritable révolution.
Que permet donc la collection de ces données ? Du remplissage automatique des rapports d’incident en vol à l’analyse du fonctionnement des systèmes de l’avion, la liste des possibilités offertes aux exploitants aériens par FOMAX est longue. Synthétiquement, les paramètres enregistrés peuvent être utilisés de deux façons : soit ils sont directement utiles au personnel de bord, soit ils sont envoyés au sol à destination de centres de traitement de données Airbus. Dans le premier cas, les pilotes et l’équipage commercial bénéficient d’informations qui alimentent leurs applications de bord puis permettent d’améliorer l’expérience passager ou les performances du vol. Autrement, lorsque les paramètres sont envoyés au sol, ils sont stockés dans des plateformes numériques avant d’être analysés par des spécialistes. La compagnie aérienne est ensuite libre d’étudier n’importe quel paquet de données pour mieux planifier ses opérations de maintenance et ses opérations : une véritable optimisation des performances à la clé. Des bénéfices financiers en découlent évidemment.
Cybersécurité : quels dispositifs pour protéger les données collectées par FOMAX ?
Dans un contexte de démocratisation de l’accès aux outils numériques, la question de la cybersécurité vis-à-vis des systèmes d’acquisition de paramètres se pose. Philippe LIEVIN, que nous avons interrogé sur le sujet de la protection des données collectées par FOMAX à bord des avions assure : « Dès les phases de conception, nous avons intégré la problématique cyber-sécurité pour rendre FOMAX extrêmement sûr. Notre système d’exploitation a par exemple été développé en interne et ne repose sur aucune solution commerciale existant aujourd’hui. Nous avons intégré une multitude de mécanismes de ségrégation multi-niveaux : ainsi, si un des composants est atteint, son indépendance par rapport aux autres empêche la propagation aux autres fonctions. De plus, toutes les données envoyées sont évidemment chiffrées. »
Une solution bientôt de série sur les A320 et les A330
A ce jour, FOMAX est la seule solution d’échange de données massives proposée directement en sortie d’usine. En juin 2018, le premier A320 équipé sortira des chaînes de fabrication et lancera le début de la production en série. Tous les A320 livrés par Airbus voleront ainsi avec FOMAX et les A330 devraient suivre à partir de fin 2018. Même si des avions déjà en opération pourront également être équipés du système en rétrofit, Rockwell Collins peut compter sur un marché des avions neufs très solide. Selon les prévisions, le carnet de commande d’Airbus assure à la chaîne logistique au moins sept années de production. Une situation plus que confortable pour les fournisseurs.
Avec sa plateforme digitale Skywise, Airbus propose également le traitement des données envoyées au sol par FOMAX. L’avionneur pourra ainsi offrir à ses clients une solution complète qui contribuera à réduire leurs coûts d’opération. Pour les opérateurs, plusieurs dizaines de milliers d’euros d’économies par an pourraient en découler. Un véritable avantage compétitif qui confortera une fois de plus la position de force de l’A320 face à ses concurrents. Boeing propose à ce jour AnalytX, avec une offre semblable à celle de Skywise. L’avionneur états-uniens n’a pas cependant pas encore communiqué sur une possible solution de collection et d’échange de données à bord comparable à FOMAX.
Loïck Laroche-Joubert, à Cranfield pour AeroMorning