Dans la soirée du vendredi 28 au samedi 29 novembre, Airbus et les autorités européennes ont ordonné une action correctrice “avant prochain vol” sur une majeure partie de la flotte A320 (plus de 6000 aéronefs), à la suite d’un événement en ligne qui a mis en lumière une vulnérabilité dans un calculateur de commandes de vol.
Dans sa directive de navigabilité d’urgence publiée, l’Agence européenne explique qu’un A320 a subi un “uncommanded and limited pitch down event”, avec pilote automatique engagé, qui a provoqué une perte d’altitude rapide de l’A320. Il opérait le vol JetBlue 1230 du 30 octobre 2025. Le vol s’était terminé heureusement, sans autre incident, mais l’analyse technique préliminaire d’Airbus avait alors identifié un dysfonctionnement d’un ELAC (Elevator Aileron Computer).
Le cœur du sujet a été précisément cadré et désigné par les autorités. Dans la transmission d’alerte aux opérateurs (AOT) A27N022-25, Airbus précise que la vulnérabilité a été identifiée “in case of exposure to solar flares” sur le matériel ELAC B, lorsqu’il est chargé avec le standard logiciel L104. Les ELAC B munis des logiciels précédents et les ELAC E (Enhanced), ne sont effectivement pas concernés. Airbus, dans son communiqué du 28 novembre, parle plus largement d’une situation où « un rayonnement solaire intense peut altérer des données essentielles au fonctionnement des commandes de vol. », d’où la demande d’action par précaution via AOT, ensuite reprise rapidement par une directive européenne portée par l’EASA. Le raisonnement lié à la sécurité est alors explicite. Si le logiciel n’est pas corrigé, il pourrait dans le pire des cas conduire à un mouvement non commandé de la gouverne de profondeur.
Ce qui est exigé concrètement
Le document EASA AD 2025-0268-E organise la famille A320 en deux groupes. Le groupe 1 concerne les avions avec le système ELAC affecté installé. Le groupe numéro 2 concerne tous les autres exemplaires. Pour le premier groupe, il a été demandé de remplacer ou modifier chaque ELAC concerné avant le prochain vol. Il est expliqué qu’un vol de convoyage est permis (jusqu’à 3 cycles, sans passagers, non-ETOPS) pour amener l’avion vers un site de maintenance. Côté maintenance, l’AOT donne une idée de l’urgence industrielle. L’objectif est une réversion vers la version antérieure L103+, soit par téléchargement si l’avion le permet, soit par remplacement de calculateurs. Selon les informations fournies par Airbus, il faudrait alors compter un ordre de grandeur annoncé de 3 heures pour un mécanicien par avion.
Un paradoxe : L104 avait été conçu pour… augmenter la sécurité
Dans un document Airbus, l’avionneur explique que le standard ELAC B L104 s’inscrit dans une amélioration des standards de sécurité, visant à réduire la menace de pertes de contrôle en vol. Dans ce cas de figure, une amélioration pensée “sécurité” s’est retrouvée associée à une vulnérabilité, que l’enquête technique juge assez sérieuse pour déclencher une mesure immédiate. Dans l’automobile, un rappel massif de la sorte pourrait s’étaler sur des années, avec des comportements variables selon les marques. Dans la soirée de vendredi 28 novembre 2025 à samedi, Airbus a alerté ses clients et les autorités en demandant une
action rapide. Ici, l’EASA a imposé que cela soit fait avant le prochain vol pour les appareils du groupe 1.
Environ 6 000 avions concernés
Plusieurs sources concordantes évoquent un ordre de grandeur d’environ 6 000 appareils de la famille A320, soit sensiblement plus de la moitié de la flotte en service. Pour beaucoup d’exemplaires, la remise en conformité a pu se faire rapidement. Cela a été le cas, par exemple, pour les A320 de la compagnie aérienne Wizz Air. Dans la soirée de samedi à dimanche, la compagnie a annoncé au sujet du nouveau logiciel l’avoir « intégralement et avec succès déployé durant la nuit sur l’ensemble de ses appareils concernés de la famille Airbus A320 ». Les services techniques d’Airbus préviennent que d’autres révisions d’AOT sont attendues pour définir une solution définitive.
Jean-François Bourgain, le 30/11/2025 pour AeroMorning









Be the first to comment on "Pourquoi l’alerte ELAC L104 vire au rappel planétaire ?"