Source: AeroMorning, ce 23 Octobre 2025

Basée à Lyon, la startup française Chat3D s’impose comme un acteur clé de l’intelligence artificielle générative en Europe. Fondée en 2023 par Félix Balmonet et Glenn Avezoux, elle développe une technologie capable de transformer un texte, une photo ou un dessin en modèle 3D complet et exploitable. Avec une levée de fonds de 3 millions d’euros en 2025 et le soutien de la BPI, du CNC et de la Région Auvergne‑Rhône‑Alpes, Chat3D affiche une ambition claire : devenir le leader européen de la modélisation 3D par IA, dans un contexte où la souveraineté technologique est un enjeu stratégique. Nous avons rencontré les deux cofondateurs pour comprendre comment leur technologie peut transformer aussi bien le monde du jeu vidéo que celui de l’aéronautique et du spatial.

AeroMorning : Pouvez-vous nous présenter Chat3D et rappeler comment le projet est né ?

Félix Balmonet : Chat3D est née d’un constat simple : la création 3D reste trop complexe et chronophage. Il faut des heures, parfois des jours, pour modéliser un objet exploitable. Notre ambition est de simplifier cette étape grâce à l’IA générative. Nous permettons à n’importe qui – ingénieur, designer, étudiant, ou même passionné – de créer un objet 3D à partir d’une simple description textuelle ou d’une image.

Glenn Avezoux : L’idée a germé dans un laboratoire de recherche où nous travaillions sur la reconstruction de formes en 3D à partir d’images. En 2023, nous avons décidé de rendre cette technologie accessible, avec un moteur IA capable d’interpréter la profondeur et les volumes. En un clic, une image 2D devient un objet 3D réaliste et modifiable, ou la 3^ème dimension a été extrapolée par IA selon un modèle crédible. L’objectif : diviser par 20 le temps de création.

AeroMorning : Votre technologie se distingue dans un domaine en pleine effervescence. Qu’apportez-vous de différent par rapport aux solutions existantes ?

Glenn Avezoux : Les outils américains ou chinois, comme Meshy ou Tripo, produisent des modèles rapidement, mais souvent sans contrôle ni cohérence géométrique. Nous avons conçu une architecture IA capable de générer des modèles conformes aux standards industriels – avec des textures, des UVs (« UV mapping » = méthode qui permet d’enrouler une image autour d’un objet 3D) et une topologie propre. Cette rigueur est indispensable pour les secteurs comme l’aéronautique, l’automobile ou le luxe.

Félix Balmonet : Nous avons également fait le choix d’une infrastructure 100 % européenne, hébergée sur des serveurs conformes au RGPD. Notre indépendance technologique est un atout : nous voulons faire de Chat3D un champion européen de la 3D.

AeroMorning : Le secteur industriel, et notamment l’aéronautique et le spatial, peuvent-ils tirer parti de votre technologie ?

Félix Balmonet : Absolument. Dans l’aéronautique, la 3D est partout : conception, maintenance, formation, documentation technique. Grâce à Chat3D, il devient possible de générer des maquettes virtuelles à partir d’une simple photo d’un composant ou d’une pièce, pour ensuite les utiliser dans des simulateurs ou des jumeaux numériques.

Glenn Avezoux : Nous travaillons déjà sur des cas d’usage autour de la visualisation technique et de la génération de modèles pour la réalité virtuelle. L’idée n’est pas de remplacer les outils de CAO, mais de les compléter, en automatisant les premières étapes de modélisation. Cela peut représenter un gain de temps considérable pour les bureaux d’études et les départements R&D.

AeroMorning : Vous mentionnez souvent la souveraineté numérique. Pourquoi est-ce un enjeu clé pour Chat3D ?

Félix Balmonet : Aujourd’hui, la majorité des outils de création 3D assistée par IA viennent des États‑Unis ou d’Asie. Or, les données 3D sont stratégiques : elles concernent des produits, des brevets, parfois des technologies sensibles. Notre mission est de garantir que ces données restent hébergées et traitées en Europe, avec des modèles entraînés sur des jeux de données éthiques et sécurisés.

Glenn Avezoux : Cette approche est un gage de confiance pour nos partenaires industriels. C’est aussi une réponse à la volonté européenne de bâtir des alternatives souveraines aux géants étrangers. Nous sommes convaincus que l’innovation responsable est compatible avec la performance technologique.

AeroMorning : Vous avez annoncé une levée de fonds de 3 millions d’euros. Quels en sont les objectifs ?

Félix Balmonet : Cette levée va nous permettre d’accélérer notre feuille de route : renforcer nos équipes techniques, améliorer la qualité du moteur IA et développer une API (Application Programming Interface) ouverte pour les entreprises. Nous voulons aussi investir dans la R&D pour adapter notre technologie à des domaines industriels complexes comme l’aéronautique, l’énergie ou la défense.

Glenn Avezoux : Nous sommes soutenus par la BPI, la Région Auvergne‑Rhône‑Alpes et le CNC. Ces soutiens institutionnels montrent que la France croit en la 3D générative comme levier d’innovation. Notre ambition est claire : devenir le leader européen de la création 3D par IA d’ici deux ans.

AeroMorning : Quelles difficultés techniques rencontrez-vous aujourd’hui ?

Glenn Avezoux : Le premier défi, c’est la qualité des données. Les jeux de données 3D publics sont souvent limités ou imparfaits. Nous construisons donc nos propres ensembles de données, validés et enrichis. L’autre défi, c’est la scalabilité : générer des milliers de modèles simultanément exige une infrastructure GPU (Graphics Processing Unit) solide et optimisée.

Félix Balmonet : Il y a aussi un défi artistique. Nous devons concilier précision technique et créativité. Notre moteur doit pouvoir comprendre aussi bien un prompt industriel (“pale de turbine en titane”) qu’un prompt créatif (“vaisseau spatial rétrofuturiste”).

AeroMorning : Quelles sont vos perspectives à court et moyen terme ?

Félix Balmonet : À court terme, nous lançons la version publique gratuite de Chat3D pour démocratiser l’accès à la 3D. Aller sur https://chat3d.ai/ pour le tester. À moyen terme, nous développons des modules professionnels pour les entreprises, avec des intégrations vers Unity, Unreal ou Blender (outils de l’écosystème 3D). Nous travaillons aussi à une version collaborative qui permettra à plusieurs utilisateurs de cocréer un même modèle en temps réel.

Glenn Avezoux : Nous visons un positionnement international dès 2026, avec une présence renforcée en Europe et en Amérique du Nord. Mais notre ADN restera européen, car nous croyons en la valeur de l’innovation locale et éthique.

AeroMorning : Quel message souhaitez-vous adresser à la communauté AeroMorning et aux acteurs de l’aéronautique ?

Félix Balmonet : L’intelligence artificielle générative ouvre un nouveau chapitre pour la 3D industrielle. Notre message est simple : expérimentez, testez, intégrez ces outils dès maintenant. L’Europe doit prendre sa place dans cette révolution et ne pas se contenter d’utiliser des solutions importées.

Glenn Avezoux : Nous sommes convaincus que les industries comme l’aéronautique ou le spatial peuvent être pionnières dans l’adoption de ces technologies. Elles ont la rigueur, la vision et la culture de l’innovation nécessaires. Nous serions ravis de co‑construire avec elles les usages de demain.

Chat3D incarne la nouvelle génération de startups européennes : alliant excellence technologique, souveraineté numérique et vision éthique. À la croisée du monde industriel et créatif, la jeune pousse lyonnaise ambitionne de redéfinir la création 3D, en la rendant aussi intuitive qu’une conversation. Avec Chat3D, l’Europe démontre que l’intelligence artificielle peut rimer avec indépendance et innovation.