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L’industrie est-elle plus carbonée en France qu’en Allemagne ?

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Dans sa nouvelle note, France Stratégie établit une comparaison des gaz à effet de serre de l’industrie manufacturière émis par euro de valeur ajoutée produite entre la France et l’Allemagne. Respectivement première et deuxième économie et pays les plus peuplés de l’Union européenne, ils sont également les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre de la zone : en 2021, l’Allemagne représentait 22 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne, la France 12 %.

La réussite de la décarbonation européenne dépend donc en grande partie de ces deux pays et plus particulièrement de la transformation de leurs secteurs les plus émetteurs, dont l’industrie manufacturière fait partie.

L’intensité carbone, définie comme le rapport entre le volume d’émissions directes de gaz à effet de serre – c’est-à-dire celles qui résultent de la combustion in situ de ressources fossiles et du processus de fabrication – et la valeur ajoutée, permet de suivre l’industrie manufacturière dans sa trajectoire de neutralité carbone et d’effectuer des comparaisons entre pays. Selon Eurostat, qui publie les statistiques annuelles d’intensité carbone de chaque pays européen, celle-ci a significativement baissé en France et en Allemagne entre 2013 et 2022, mais l’industrie manufacturière française semble nettement plus carbonée que son homologue allemande. Quelle est l’origine – technologique, économique, statistique – de cet avantage allemand ?

Un écart en trompe-l’œil entre les deux pays en raison d’un biais statistique

En réalité, cet écart est surtout le reflet de biais dans la construction de cet indicateur, qui compose avec des situations économiques complexes et une grande hétérogénéité des secteurs manufacturiers. En effet, il existe une différence d’ampleur dans les modèles d’estimation de la valeur ajoutée utilisés de part et d’autre du Rhin – les statisticiens allemands y intègrent commerce et services annexes des secteurs manufacturiers, ce qui n’est pas le cas en France. L’impact sur l’intensité carbone est significatif : corriger les chiffres de la valeur ajoutée industrielle de ce biais méthodologique permet de faire disparaître l’écart d’intensité carbone entre les deux pays.

Ce biais statistique place au second plan les autres explications d’ordre technologique ou économique. Dans le cas du ciment, nous montrons que l’écart d’intensité carbone devient non significatif lorsque le biais statistique est corrigé : d’un côté, le ciment français contient plus de clinker mais de l’autre le taux d’autosuffisance en clinker est plus élevé en Allemagne, et le mix énergétique consommé par les cimenteries françaises est moins carboné qu’en Allemagne.

Un enjeu d’homogénéisation au niveau européen des modèles de mesure de l’intensité carbone

Dans leur analyse, les auteurs appellent à une plus grande homogénéisation des statistiques sur la valeur ajoutée, un préalable à l’évaluation des politiques climatiques dédiées à l’industrie. Au-delà des biais statistiques, des écarts significatifs sont mis en évidence dans certains secteurs (métallurgie, industrie chimique, etc.), dont l’interprétation ne peut pas faire l’économie d’une analyse approfondie de la spécificité des secteurs manufacturiers français et allemands.