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SCAF : stop ou encore ?

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Le projet SCAF est censé aboutir sur le nouveau fer de lance des armées de l’air européennes. Aujourd’hui, il est au cœur de vives tensions, notamment entre la France et l’Allemagne. Lancé en 2017, il vise à créer un avion de combat de 6ème génération et un système de défense connecté d’ici 2040. Cependant, des rivalités entre Dassault (France) et Airbus (Allemagne/Espagne) freinent le programme. Ces désaccords portent principalement sur le partage des tâches, la propriété intellectuelle et la direction technique. Alors qu’un premier prototype est prévu pour 2026, les négociations sont dans l’impasse, chaque pays menaçant de poursuivre seul.

Le Système de Combat Aérien du Futur (SCAF) a été lancé en 2017 par la France et l’Allemagne, rejoints ensuite par l’Espagne en 2019. L’objectif à ce moment était de renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe dans le domaine de la défense. Plus simplement, il s’agit de remplacer les avions de combat actuels, comme les Rafale français et les Eurofighter germano-espagnols, par un appareil de nouvelle génération : le New Generation Fighter pour l’horizon 2040-2045. Le projet, beaucoup plus large qu’un simple avion de combat, inclut aussi des essaims de drones d’accompagnement, des satellites et un système informatique centralisé. Le tout formant un réseau de combat connecté. Il s’agit donc d’un projet industriel important, mais aussi une déclaration politique forte de l’Europe de vouloir peser sur la scène internationale en matière de défense face aux États-Unis, la Chine ou encore la Russie. A ce sujet, Florence Parly à l’époque ministre des armées avait déclaré le 20 février 2020 que le SCAF « est un projet de coopération industrielle, mais aussi un projet politique car il illustre notre volonté et notre ambition pour l’Europe de la défense. »

La guerre des géants de l’aéronautique

Pour mener à bien ce projet, estimé financièrement entre 80 et 100 milliards d’euros, deux grands noms de l’aéronautique ont été désignés comme chefs de file : Dassault Aviation pour la France d’un côté et les branches allemandes et espagnoles d’Airbus. Des dizaines d’autres entreprises, comme Thales ou Safran, sont également impliquées au milieu d’une myriade de sous-traitants. La répartition des tâches entre eux était censée être équitable : un tiers pour Dassault, un tiers pour Airbus Allemagne et un tiers pour Airbus Espagne. Cependant, cette répartition est une source de tensions depuis le début.

D’un côté Dassault, fort de son expérience dans la conception d’avions de combat comme le Rafale, souhaite conserver la maîtrise totale de la conception de l’avion. « On sait faire de A à Z, on a les compétences » a expliqué Eric Trappier, le PDG du groupe Dassault, le 23 septembre 2025 à Cergy-Pontoise face aux caméras. De son côté, Airbus demande un partage plus équilibré, expliquant que les pays n’apportent pas tous le même savoir-faire. La France est l’un des seul pays européen à savoir concevoir un avion de A à Z, tandis que l’Allemagne a une expérience plus partagée, notamment avec le projet de l’Eurofighter.

Au-delà du partage des tâches, la question de la propriété intellectuelle est un autre point de friction. Dassault refuse de céder sur des technologies développées durant des décennies, craignant que cela ne conduise à un « pillage industriel ». Cela est notamment le cas sur les commandes de vol. Dans cette logique, la France avec Dassault souhaite protéger son savoir-faire familial, accumulé depuis plus de 70 ans par l’avionneur. Les Allemands estiment que la France ne peut pas réussir sans leur participation et rappellent qu’il sera nécessaire de partager les technologies.

Ces désaccords ont déjà causé des retards. En 2022, la ministre espagnole de la Défense Margarita Robles s’inquiétait de la lenteur du projet en expliquant que « le projet SCAF est dans une situation d’impasse ». Aujourd’hui, alors que la phase 2 du projet incluant le vol d’un premier démonstrateur est prévue pour 2026, les tensions s’intensifient. Dassault Aviation n’hésite plus à exprimer son agacement publiquement, affirmant qu’ils savent faire et demandent simplement la capacité de diriger le programme : « On demande juste une chose, une petite chose. Donnez nous la capacité de driver le programme, c’est à dire dans la gouvernance, je n’accepterai pas que l’on soit à trois autour de la table pour décider de toute la technique qu’il y aura à faire pour faire voler un avion » a rappelé Eric Trappier. 

Vers un divorce européen inévitable ?

Face à ce blocage, l’Allemagne commence à envisager d’autres options. Berlin pourrait chercher à collaborer avec la Suède ou le Royaume-Uni, voire à poursuivre le projet uniquement avec l’Espagne. La France, par la voix de ses responsables, a affirmé qu’elle était prête à développer son propre avion de combat si les discussions avec Berlin et Madrid échouent. Cette position rejoint celle de Dassault Aviation, qui suggère qu’une collaboration avec d’autres partenaires, comme les Émirats Arabes Unis, pourrait offrir plus de liberté d’action et un leadership plus clair, menant potentiellement à un appareil plus abouti et moins cher.

Malgré ces divergences, l’Allemagne a réaffirmé le 18 septembre dernier sa volonté de voir le projet aboutir par l’intermédiaire du Chancelier allemand Friedrich Merz, qui a expliqué « vouloir trouver une solution le plus rapidement possible (…) ça ne peut pas continuer comme ça ». Le chancelier allemand a souligné que les trois pays avaient besoin de ce projet et qu’une solution devait être trouvée rapidement. De son côté, le ministère des Armées français dit viser un accord « mutuellement acceptable » d’ici la fin d’année.

Le SCAF, symbole de l’ambition européenne, illustre les défis européens de la coopération en matière de défense. Pourtant, les discours politiques ne semblent pas aller sur le même tempo que les discours industriels. Preuve en est le report de la réunion trilatérale du 10 octobre 2025, alimentant encore les doutes sur la tenue du calendrier et du projet plus globalement.

Jean-François Bourgain, le 17 octobre 2025 pour AeroMorning

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