Salon de Farnborough: les quelques oubliés du palmarès
Airbus et Boeing ont bien évidemment tenu le haut du pavé au salon de Farnborough. On oublie un peu trop souvent des contrats plus modestes tels que ceux de Liebherr ou de Michelin.
Le dernier bilan des contrats ou engagements d’achats annoncés par les organisateurs du salon international aéronautique de Farnborough en Grande-Bretagne (FAI) s’est achevé au terme des trois premières journées professionnelles le 14 juillet dernier sur le chiffre de 125 milliards de dollars (environ 112 Md€), ce qui reste bien au-deçà du montant réalisé il y a deux ans lors de sa dernière édition. Mais si on revient seulement quelques semaines en arrière, bien peu de médias ou d’experts dont on tire nos évaluations, tablaient sur une telle somme.
On peut donc affirmer que ce salon s’en tire bien dans une conjoncture de plus en plus tendue étant donné la situation géopolitique mondiale.
Certes le rejet de l’Europe par les Britanniques a pesé sur les décisions du salon. Et même si le triste attentat de Nice s’est déroulé le soir du 14 juillet alors que c’était l’avant dernière journée professionnelle du salon britannique, il est évident que cela n’arrange pas les affaires financières des industriels confrontés à tant d’incertitudes. Dans ce contexte, on peut supposer que de nouvelles ventes d’armements –avions militaires de toutes sortes, munitions et bien évidemment les missiles, et tous les équipements qui vont de paire – pourraient en découler et par voie de conséquence booster le « business ». Au-delà de nos considérations émotives, il faut bien reconnaître que l’aéronautique et le spatial font vivre un nombre considérable de foyers non seulement en France mais aussi dans le monde entier.
Ce sont cependant les ventes d’avions civils qui ont tenu le haut du pavé une fois encore à Farnborough, et contre toute attente Airbus tient la tête du classement avec les commandes fermes de 279 appareils contre seulement 182 pour Boeing. Malgré tout, à l’issue du salon, l’avionneur américain garde la première place des ventes pour 2016 et il a aussi fait couler beaucoup d’encre avec l’annonce des réflexions qu’il mène sur un futur avion qui viendrait combler le créneau laissé vide par l’arrêt de production du Boeing 757. Il s’agit du projet MoM pour « middle of the market » pour milieu de marché. Un acronyme repris par tous et notamment Airbus qui fait valoir qu’il possède déjà un tel appareil avec la version à long rayon d’action (LR) de son A321neo capable de faire des vols transatlantiques.
Des projets de la part des avionneurs, la chaîne entière des fournisseurs en attend car c’est à ce prix qu’ils pourront voir l’avenir plus sereinement, même si pour l’heure il s’agit pour l’ensemble d’entre eux d’assurer la montée en cadence de production.
Car même si les prises de commandes pour 2016 devraient s’annoncer du même ordre que le nombre de livraisons (ce qui permettrait de ne pas éroder le carnet de commandes), ainsi que l’a répété le patron marketing et ventes d’Airbus lors du salon, le manque de nouveaux programmes reste une inquiétude.
On écrit peu sur les équipementiers/fournisseurs lors des salons aéronautiques, que ce soit celui de Farnborough ou celui de Paris-Le Bourget.
Pourtant ils forment l’essentiel des exposants. Ils sont aussi un des moteurs de l’innovation et participent à de nombreux programmes de recherche collaboratifs à l’échelon européen. Cette année, pour cette édition du salon britannique quelques entreprises se sont distinguées. Certes ce ne sont pas les plus petites, mais elles contribuent grandement au rayonnement de l’industrie aéronautique européenne.
Ainsi, Liebherr Aerospace a attendu quasiment la veille du salon pour annoncer que l’Airbus Flight Lab avait effectué son premier vol à Toulouse le 3 juin doté entre autre de son système de conditionnement d’air électrique (E-ECS) conçu dans la Ville Rose dans le cadre du programme CleanSky. En effet, des deux centres de développement et production qu’exploite Liebherr Aerospace, celui de Toulouse est le centre d’excellence pour les systèmes d’air alors que celui de Lindenberg est axé sur les systèmes de vol, les trains d’atterrissage et boîtes de vitesses, etc. Deux autres centres de production viennent en support de la production des deux unités européennes, il s’agit d’une unité au Mexique et d’une autre en Russie.
Pas vraiment un nouveau projet puisqu’il s’appuie sur un appareil dont la conception remonte aux années 1990, avant que Dornier-Fairchild ne fasse faillite, Liebherr a annoncé durant le salon qu’il embarquait sur le Turkish Regional Jet (alias Do-328) pour lequel il fournira le système de gestion de l’air ainsi que le contrôle de vol. Pratt & Whitney fournira les moteurs (que ce soit pour la version jet ou turbopropulsée) tandis que Rockwell Collins (un américain basé également à Toulouse) fournira la suite avionique et l’Allemand Heggemann le train d’atterrissage.
Pour l’heure il n’est pas précisé quel sera le fournisseur des pneumatiques de ce TRJ328.
Par contre le Français Michelin n’a pas raté l’occasion que lui offrait le salon de Farnborough pour annoncer que le tout nouvel appareil de Bombardier de la gamme des 100 places était chaussé de pneus Michelin et qui plus est de pneus de technologie NZG (near zero growth), c’est-à-dire un pneu qui sous l’effet conjugué de la pression et de la température qu’il subit n’augmente que très peu de volume. Ce qui amoindri, voir supprime tout risque d’éclatement notamment s’il est heurté par un corps étranger. Sans compter que cette technologie radiale NZG offre une réduction de masse de 25 % par rapport à une technologie bias (diagonale) et une durée de vie doublée en terme de nombre d’atterrissages.
Le premier des CSeries équipé de ces pneumatiques est le CS 100 de Swiss International Air Lines qui a procédé à son premier vol commercial le 15 juillet entre Zurich et Paris. Une façon de clore le salon de Farnborough qui a vu passer dans ses allées quelques 20 000 visiteurs par journée professionnelle.
Nicole Beauclair pour AeroMorning