Boeing a vendu 1.413 avions commerciaux en 2007, un record. Airbus se prépare également à annoncer des résultats impressionnants.
La question qui vient à l’esprit est d’une simplicité biblique : les compagnies aériennes trouveront-elles suffisamment de passagers pour remplir les avions qu’elles commandent sans discontinuer ? N’y aurait-il pas un risque de fuite en avant qui mène tôt ou tard à de sérieuses déconvenues ?
Le bilan commercial de Boeing pour 2007 fait état, annulations déduites, de 1.413 commandes. Impressionnant ! Airbus, pour sa part, ne publiera ses chiffres définitifs que dans quelques jours mais fera probablement aussi bien, sinon mieux. Pris au jeu, les deux rivaux utilisent désormais les mêmes méthodes. A savoir des efforts colossaux, en décembre, pour transformer des engagements d’achats et lettres d’intention en commandes fermes avant le 31 décembre à minuit.
Seattle est devenu orfèvre en la matière. Mais Toulouse excelle tout autant. C’est d’autant moins difficile, cette fois-ci, que le constructeur européen a obtenu récemment des engagements spectaculaires, notamment 160 avions supplémentaires pour la Chine, 100 pour le loueur Dubai Aerospace Entreprise, 50 pour Qantas Airways, 50 pour Air One, etc. De quoi faire grimper in extremis les statistiques de ventes de 2007. Certains de ces contrats sont signés, tenus secrets, pour la beauté du petit coup médiatique à venir sous peu.
Bien sûr, cette course est vaine mais fait néanmoins la joie des médias et le bonheur d’observateurs qui oublient souvent de mettre ces chiffres en contexte. D’où la nécessité, nous semble-t-il, d’un petit rappel à l’ordre.
Si l’on admet que le trafic aérien mondial va continuer de croître de 5% par an environ, et en tenant compte tout à la fois du besoin de capacité supplémentaire qui en résulte, du retrait d’appareils anciens, de l’utilisation toujours meilleure des flottes, de coefficients moyens d’occupation des sièges plus élevés que dans le passé, on constate que les compagnies ont besoin d’un millier d’avions nouveaux par an, réseaux régionaux mis à part. Ni plus, ni moins.
En supposant qu’Airbus et Boeing se partagent le marché à 50/50 (ce qui est actuellement le cas), chacun d’eux est donc amené à produire environ 500 avions par an. Ce qui est effectivement le cas, à quelques unités près. Dans ces conditions, la conclusion saute aux yeux : le rythme actuel, près de 3.000 avions vendus en 12 mois, plus de 2.000 au cours des deux années précédentes, ne peut constituer qu’une flambée exceptionnelle. Toute prolongation serait irrationnelle, voire dangereuse.
Dès 2008, en toute logique, le calme devrait s’imposer, les commandes se raréfier, ceci compensant cela. Avec 12 mois d’avance sur la suite des événements, on imagine déjà les titres d’innombrables articles insensés annonçant gravement le pire : crise dans l’industrie aéronautique civile, Airbus et Boeing en difficulté, les nuages s’accumulent au-dessus de Seattle et Toulouse, etc., etc. Même les grandes signatures sont mauvaises en arithmétique, incapables de calculer une moyenne pondérée, d’admettre qu’on ne joue pas impunément avec cette valse de centaines de milliards d’euros forts et de dollars fragilisés.
Il nous reste un an pour nous préparer à lire le pire.
Pierre Sparaco – AeroMorning
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