Une nouvelle vision de la mobilité par Ehang
L’entreprise chinoise Beijing Yi-Hang Creation Science & Technology, qui développe les drones Ehang, veut bousculer les codes de la mobilité urbaine, en développant le Ehang 184, premier drone civil destiné au transport de passagers (un seul en l’occurrence). Technologiquement plausible, le concept risque toutefois de se heurter au scepticisme des autorités de l’Aviation Civile, notamment en Europe.
Un concept prometteur
Faire voler un passager en toute autonomie, sans pilote et au moyen d’une simple tablette : Roland-Garros lui-même aurait-il cru qu’un jour un tel concept allait être développé ? C’est donc aujourd’hui chose faite : l’entreprise chinoise Beijing Yi-Hang Creation Science & Technology a annoncé au Consumer Electronics Show de Las Vegas en janvier qu’elle allait développer le premier drone dédié au transport d’un passager. Maquette à l’échelle 1:1 à l’appui … Un pari ambitieux et vraiment audacieux.
Avec ses lignes séduisantes, le Ehang 184 a suscité beaucoup d’intérêt lors de sa première présentation. Ses capacités sont tout aussi attrayantes car le fabricant prévoit des performances et une utilisation qui en ferait le taxi de demain.
Attachez vos ceintures, nous vous invitons à découvrir le Véhicule Aérien Autonome (VAA) à travers le scénario du quotidien d’un homme d’affaires vivant à Sao Paulo :
« Pour éviter d’avoir à affronter les embouteillages colossaux au pied des gratte-ciels, notre homme d’affaires a coutume d’utiliser les transports aériens comme l’hélicoptère. Aujourd’hui, en raison d’une demande élevée, sa société de transport favorite lui annonce qu’il sera transporté à bord d’un VAA. Quelques minutes après avoir commandé, la silhouette élégante d’un Ehang 184 apparaît dans le ciel. S’il ne l’avait pas vu, notre homme n’aurait pas soupçonné son arrivée, car avec ses 8 moteurs électriques, le drone a une signature sonore très faible.
En embarquant, l’homme d’affaires découvre un univers qui invite d’avantage au voyage qu’au simple déplacement professionnel : la visibilité extérieure est maximale et le confort est au rendez-vous. Les équipements du quotidien sont même présents avec la climatisation, l’éclairage, une prise USB, la musique. Il ne manque rien pour que le voyage soit le plus agréable. Le passager est invité à rentrer son « plan de vol » sur une tablette : c’est un cockpit revisité à partir duquel il est possible de choisir le cheminement. La destination est sélectionnée et le Ehang décolle, dans le silence. Les paysages de la ville de Sao Paulo sont sublimes à travers les vitres teintées du drone. En volant à 100 km/h, notre homme d’affaire pourra rejoindre sa destination rapidement. Il pourrait même rejoindre la banlieue éloignée, car avec 23 minutes de vol, le Ehang n’a pas les pattes courtes.
Une fois arrivé à destination, le drone se pose aussi verticalement et silencieusement qu’il a décollé. L’homme d’affaires est comblé : il est arrivé dans les temps et il a pu profiter d’un vol sans contraintes, en parfaite autonomie, le tout avec des paysages remarquables comme point de vue. »
Vous l’avez compris, les développeurs du Ehang envisagent leur aéronef comme une révolution.
Des capacités pour voler de nuit et par tous temps sont d’ailleurs prévues, avec la possibilité de choisir son propre cheminement pour arriver à la destination finale. L’aéronef sera propulsé par des moteurs électriques développant 106 kW chacun, c’est le côté développement durable …
Transport de passagers en drone : le point de vue des autorités
En dépit de capacités extraordinaires, le Ehang 184 suscite de nombreuses interrogations. Parmi les plus sceptiques on retrouve les autorités des Aviations Civiles, qui n’envisagent pas de sitôt de voir des passagers évoluer dans des drones. Pour donner une image de l’ampleur des obstacles qu’il faudra surmonter, on citera l’exemple du Certificat de Transporteur Aérien (CTA) en avion monomoteur : c’est le précieux sésame qu’il faut obtenir pour qu’une compagnie puisse transporter des passagers à titre commercial avec un avion monomoteur. Il a fallu plusieurs années aux compagnies concernées pour le décrocher auprès des autorités françaises. Enlevez le pilote dans l’avion et vous rajoutez 10 ans de plus au chemin de croix réglementaire !
La réglementation des drones civils en France est encore très jeune : elle a subi sa dernière transformation en janvier dernier. Elle est adaptée aux drones de loisirs ne dépassant pas les 2kg avec son « télépilote » jamais plus éloigné de 200 m. Les drones en pilotage automatique (c’est-à-dire que son pilote n’intervient pas directement dans le choix de la trajectoire) ne doivent pas dépasser 1kg et le vol ne doit pas durer plus de 8 minutes. Le Ehang envisage de pouvoir voler jusqu’à 23 minutes en pilotage automatique, une masse de 200kg et un passager à bord. Alors doit-on parler en années ou en décennie avant de voir évoluer un Ehang dans le ciel de Paris ?
En plus de convaincre les autorités, les développeurs du Ehang devront convaincre les passagers : qui, aujourd’hui, accepterait de se faire transporter dans un Véhicule Aérien Autonome, sans possibilité de contrôler directement son évolution ? Même si l’entreprise chinoise prévoit de mettre en place des centres de contrôle destinés à surveiller les vols de VAA et à les empêcher de décoller en cas de conditions météorologiques dégradées, il est fort probable que les mentalités mettront du temps à évoluer pour que le vol en drone devienne commun.
Enfin, au regard des évolutions techniques et technologiques, il est quasi-certain que les prochaines décennies seront celles de l’automatisation des véhicules. L’aérien est probablement le moyen de transport qui résistera le plus longtemps à cette vague de changement profond. L’Ehang en est peut-être déjà l’un des pionner …
Loïck Laroche-Joubert pour AeroMorning