Le mercredi 26 avril, trois étudiants membres de l’association IPSA Space Systems (ISS) se trouvaient au pôle Nord pour procéder au lancement de la fusée SERA 3 dans le cadre du projet PERSEUS du Centre national d’études spatiales(CNES). Un succès sur lequel revient Adrien Baras (IPSA promo 2017), ex-président et fondateur de l’asso, désormais remplacé par Safouane Benamer (IPSA promo 2020).
Peux-tu rappeler ce que signifie SERA ?
Il s’agit de l’acronyme de Supersonic Experimental Rocket ARES. SERA est l’un des macro-projets lancés dans le cadre de PERSEUS, le Projet Étudiant de Recherche Spatiale Européen Universitaire et Scientifique initié par le CNES qui vise à favoriser l’émergence de solutions techniques portées par les étudiants participants. À terme, l’objectif de ce programme est d’envoyer en orbite basse des nano-satellites (soit des satellites de moins de 10 kilos) grâce à des moyens non conventionnels, c’est-à-dire sans utiliser de grosses fusées comme Ariane. Pour arriver à atteindre cet objectif, il a été décidé de séparer le projet en onze macro-projets développés en parallèle par les associations. Chez nous, à l’IPSA, nous nous occupons principalement d’ARES et SERA, deux démonstrateurs expérimentaux. Pour faire simple, il s’agit de fusées permettant de démontrer la viabilité de nos expériences ou des systèmes technologiques que nous avons inventés. Le but d’ici une dizaine d’années est d’arriver à mettre une fusée sous un drone et d’envoyer le tout pour atteindre les 100 kilomètres d’altitude, soit aux portes de l’espace !
Quelle est la différence entre ARES et SERA ?
SERA est tout simplement la « version performance » d’ARES. Ainsi, nous lançons les fusées ARES en France : ce sont des fusées de 3-4 m de hauteur et de 160 mm de diamètre, équipées de petits moteurs de 50 cm et d’environ 3 kilos de poudre, en accord avec la législation française. Ces moteurs nous permettent de faire monter ARES à environ 2000-3000 m d’altitude, en sachant que la France n’autorise pas à dépasser un palier de 3 km en raison de l’aviation civile.
Sur SERA, lancé il y a quatre ans, le processus est différent. Pour lancer SERA 1 en 2014, SERA 2 en 2016 et SERA 3 cette année, nous nous rendons à Kiruna, au pôle Nord. Comme l’aviation civile y est quasiment nulle, cela permet de tirer les fusées bien plus haut. Surtout, cette localisation nous permet également d’utiliser des moteurs non autorisés en France. Voilà pourquoi nous pouvons dès lors utiliser des moteurs Pro-98, soit des moteurs de 10 kilos de poudre. SERA 3 faisant ainsi 80 kilos dont 30 de poudre et a été envoyée à 5,5 kilomètres d’altitude, à Mach 1.4 environ. Une belle performance !
Chaque nouveau lancement est une satisfaction ?
Oui, même si nous n’arrêtons jamais vraiment de travailler, chaque projet correspond à deux ans de travail ! Pendant que nous travaillons à la fabrication d’une fusée, nous pensons en parallèle à la conception de la suivante. Là par exemple, nous sommes en train de définir ce que sera SERA 4 et d’effectuer les premières études théoriques. Cette fusée sera à nouveau une fusée mono étage avec un fagot de 3 moteurs afin de capitaliser sur les nouveautés de SERA 3 et d’améliorer les quelques points difficiles que nous avons connus sur cette dernière. Depuis, le chef de projet a décidé que SERA 4 allait à nouveau être une fusée mono étage avec un fagot de 3 propulseurs comme SERA 3.
À quoi correspondent les évolutions de SERA ?
On essaye chaque année de rajouter de plus en plus de choses à nos fusées, même si SERA 2 était plus ou moins la même que SERA 1. En effet, SERA 2 nous a surtout servi à renforcer l’aspect transmission entre les étudiants déjà présents et ceux nouvellement arrivés au sein de l’association : cela a permis de construire cette deuxième fusée en mieux et en moins de temps que sa grande sœur ! Dans le cas de SERA 3 par contre, il est davantage question de bond technologique et d’augmentation des performances : nous avons ainsi mis trois moteurs au lieu d’un seul et conçu la fusée en double diamètre – l’étage du bas faisait 250 mm et celui du haut 160 mm, ce qui nous a demandé de réadapter l’interface de la rampe de lancement. Si, en termes de performance pure, nous sommes passés de 5,2 à 5,5 kilomètres d’altitude, c’est surtout en termes d’avancées techniques que SERA 3 nous a été utile. L’expérience acquise lors de son élaboration nous servira pour la suite. D’ailleurs, sur SERA 3, nous avons pour la première fois également pris part à la conception de la maquette numérique CATIA de la fusée. Jusqu’à présent, c’était l’association SUPAERO Space Section (de l’ISAE) qui s’occupait surtout de cette partie avant que nous ne procédions à la fabrication. Là, avec la montée en puissance de l’IPSA et de l’association, nous avons voulu nous impliquer en amont, en plus de la fabrication des tubes, de la coiffe, des ailerons en matériaux composites qui sont fabriqués au laboratoire de matériaux composites de l’école… On prend une place de plus en plus importante sur le projet. L’an dernier, nous étions seulement deux. Là, nous sommes trois. Et l’an prochain, on espère être encore plus nombreux !
Le mercredi 26 avril, SERA 3 a été lancée avec succès à Kiruna. Qui étaient présents ?
Une équipe de campagne d’une trentaine de personnes regroupant toutes les associations ayant participé à sa fabrication – dont trois membres d’IPSA Space Systems – ainsi que des experts du CNES – ils mettent notamment en œuvre les moteurs – et l’équipe du Plateau projet PERSEUS, qui assure la bonne conduite et la coordination des projets
Ce succès vient également s’ajouter à plusieurs récompenses reçues par l’association en début d’année, toujours dans le cadre de PERSEUS.
Oui. Lors du séminaire annuel du CNES organisé en janvier 2017, IPSA Space Systems a reçu trois prix. Le prix du projet le plus innovant concernait la réalisation des tubes structuraux de la partie basse de SERA 3, qui respectent les procédés de fabrication des tubes en sandwich composites brevetés IPSA. Le prix de la meilleure réalisation a été décerné à Antoine Bianchi (IPSA promo 2016) pour son projet de fin d’études, à savoir la fusée ARES 23, justement conçue lors d’un stage réalisé au CNES. Enfin, le prix du meilleur travail en équipe a été décerné conjointement aux quatre associations – ISS, Centrale Lyon Cosmos, SUPAERO Space Section et Octave (Université d’Evry) – pour la campagne de lancement de SERA 2 en 2016.
Pierre Loiseau et Hadrien Lemaire (IPSA promo 2021) étaient présents à Kiruna pour le lancement de SERA 3
Combien de membres font partie de l’asso ?
Nous sommes une quinzaine. C’est un choix car, les sujets abordés étant très techniques, il faut que les « anciens » aient la possibilité de transmettre correctement ce savoir-faire aux jeunes qui arrivent. Cette transmission est capitale chez nous : je dis souvent que je préfère réaliser un tube de fusée en trois mois mais avec des jeunes, qu’en une semaine tout seul. Or, s’il y a trop de personnes, cela peut ne pas être le cas, ne serait-ce que pour l’espace limité dans notre laboratoire. En tout cas, l’association attire toujours plus d’IPSAliens. En nous rejoignant, ces derniers ont la chance de pouvoir participer à un projet passionnant et d’avoir accès à des moyens importants que l’on ne trouve pas habituellement dans les écoles.
D’ailleurs, quel point commun retrouve-t-on chez l’ensemble des membres d’IPSA Space Systems ?
La passion ! PERSEUS demandant énormément de temps et d’investissement si l’on veut réussir – je fais parfois 50 h de présence par semaine à l’association –, il faut forcément être passionné… et rigoureux, afin de concilier cela avec les études. Ce n’est pas un équilibre évident à trouver. C’est pourquoi nous sommes très attentifs à cela : si on voit qu’un membre privilégie trop l’association au détriment de son parcours étudiant, nous lui suggérons de faire une pause. Quand on participe à un projet aussi passionnant, on peut vite oublier ce qu’il y a autour !
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