16 juin 2023
Un Salon tous les deux ans, c’était peu, mais suffisant pour faire le point et découvrir les nouveautés de l’univers aéronautique, spatial et défense. Tout ce qui vole et aide à voler, dans le ciel et dans l’espace. La course au talent, aux performances, à l’économie et à l’écologie. La course à l’efficacité et la sécurité. Appareils civils et militaires, contrôleurs du ciel et pilotes ou mécaniciens, ingénieurs et inventeurs. Tous se retrouvaient régulièrement, un an sur deux, depuis le cataclysme guerrier de 39/45. Il aura fallu l’épidémie de Covid19, pour tout bloquer, vider les cieux, arrêter les industries, et en parallèle voir mourir des centaines de milliers de victimes de l’infection. Sur Flight Radar 24, voir le ciel des périodes de confinement était désolant : une gigantesque panne mondiale. Quelques rares appareils servant au transport de médicaments, de masques, de malades. Un Monde à l’arrêt. Les 4.7 milliards de passagers de 2019 ont disparu. Et fin 2021, la pandémie quasiment vaincue grâce à une puissante prophylaxie et aux vaccins copieusement administrés, il a fallu redémarrer. Devant ce désastre industriel, il n’était même pas question d’organiser un Salon de l’Aviation ou de l’Espace. Pas le temps de l’organiser, et pour qui ? Un univers sinistré.
En l’espace de deux ans la machine est repartie, mais avec de solides nouveautés. Pendant la pause du Covid19, les exigences environnementales se sont multipliées dans des proportions inédites. Liaisons supprimées au profit de trains présentés comme « verts » (en consommant de l’électricité issue de sources fossiles !), engagement de cessation des rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère pour 2050 au plus tard… En fait on demande aux transports d’assurer en priorité la « transition écologique », (20% des rejets) et à l’aviation commerciale (–de 3%), de se redessiner voire de disparaitre.
Le Bourget 2023, 54ème est donc un Salon Vert, le Salon de l’affichage des gigantesques efforts et engagements de l’univers aérien pour préserver la planète et donner l’exemple, au prix de recherches intenses et couteuses. C’est au demeurant unique, car même l’automobile, qui s’affiche électrique, ou hybride, n’ose pas reconnaitre combien son électricité n’est pas verte, même en France qui dispose de près de 50 % de ses approvisionnements grâce à des centrales nucléaires.
Donc 2023 est un Salon Vert, c’est ensuite un Salon de l’Emploi. Après la grande dépression du Covid, les entreprises ont réduit la toile, bien des employés ont pris leur retraite, d’autres ont été touchés par la maladie, enfin ceux qui travaillent ont vécu un tournant social dans leur manière d’aborder la vie, et le temps libre. Du coup, la remontée en cadence est très lente, on manque partout dans le monde de professionnels des métiers de l’aérien, du spatial ou de la défense. Rien qu’en France, le GIFAS, qui regroupe les entreprises du secteur annonce qu’on recherche de toute urgence 25.000 collaborateurs dans tous les métiers depuis les Chomac (chaudronniers) jusqu’au informaticiens, aux spécialistes des matériaux, mais aussi aux « cols blancs » pour la gestion et l’administration ou les opérations commerciales. Le GIFAS a décrété la mobilisation générale. Entreprises, écoles, administrations sont sur le pont. L’« aérospatial » offre de belles situations, intéressantes, mieux payées que dans bien d’autres secteurs. Voilà le message affiché à la « Une » du plus grand salon Mondial que demeure celui du Bourget.
Et pour séduire, les organisateurs ont prévu des journées réservées aux emplois, et gratuites pour les candidats, avec des présentations au sol et en vol plus que jamais éblouissantes. Il faut attirer les jeunes vers les métiers de l’air, du ciel et du rêve. Oui, du rêve, à l’heure ou volent les plus beaux avions jamais construits, au moment où l’on se prépare à retourner sur la Lune, et où l’aviation construit son futur avec enthousiasme, défrichant des technologies qui feront encore une fois progresser toutes les techniques nécessaires à l’humanité.
Alors avec les gros Boeing B777 ou B787, les magnifiques Airbus A350 et A321 XLR, les superbes Dassault Falcon 6X en vol et 10X en projet, les avions de combat, le Rafale au faîte de ses succès et le F35 que les américains placent sans vergogne, les drones dont la guerre en Ukraine à crée de nouveaux usages, on cherche à savoir si le futur aura des formes différentes, ou sera fait de matériaux nouveaux. Le futur sera-t-il à l’hydrogène, avec des piles à combustible ou directement comme carburant ou aux SAF, les carburants de synthèse, incorporant des résidus et du Co2 capté dans l’atmosphère. Bien des pistes sont explorées. SAFRAN, en France, explore le futur des turboréacteurs. Comme ses alliés ou concurrents, Rolls-Royce, GE ou PW.
Les compagnies aériennes qui retrouvent la santé et leurs passagers cherchent également les pilotes de leurs avions. Il faudra en former 500.000 d’ici à 2030 ! Alors on embauche et on instruit à tout va. Mais c’est difficile et sérieux, il en va de la sécurité. Et les rumeurs de suppression des pilotes ne semblent être pour l’heure que billevesées. En réduire le nombre dans le cockpit est acquis. Mais l’homme, bien aidé des systèmes, restera encore longtemps le patron aux commandes ! Les passagers y tiennent !
Bien des entreprises prennent des risques pour innover, comme Amélia, la petite compagnie aérienne régionale (Rodez, Aurillac, Brive…) qui sera vers 2026 la première à exploiter des ATR 72 à moteurs électriques alimentés par des piles nourries d’hydrogène* !
Maintenant, on découvre au fil des avancées que tout repose en matière de transports terrestres, aériens ou maritime, de près ou de loin, sur la disponibilité d’électricité « verte » en quantités gigantesques, pour prendre le relais des carburants fossiles. La question a sa réponse : l’électricité nucléaire. Mais faut il s’y décider clairement, et les délais sont longs. Les sources solaires et éoliennes ne suffiront pas aux besoins fixés par les objectifs. Tous les calculs le montrent. La production d’hydrogène verte consomme beaucoup d’électricité. Les carburants de substitution également. Cruel dilemme pour ceux qui chez les verts sont également antinucléaires !
En ce mois de juin, la fusée Ariane V devait effectuer son dernier vol, avant de céder la place, dans quelques mois, à Ariane VI. L’Europe spatiale est cernée par les lanceurs américains, chinois, russes, indiens, et l’indépendance dans ce domaine est stratégique en tous points : politiques et économiques. Un terrible combat est en cours.
Sans doute dans ce salon trouverons nous les marques des opportunités et des dangers qui nous guettent. Et en matière de dangers, nous verrons les marques de la relance de nos industries de l’armement. Car l’insécurité oubliée depuis 70 ans en Europe est de retour. Ainsi il redevient indispensable de disposer de capacités de recherche et de production. C’est en tous domaines le seul moyen de dissuasion. C’est le prix de la paix. En toile de fond, l’Europe de la défense est à mal.
Pour ma part je fêterai avec quelques compagnons un anniversaire : il y a 30 ans exactement, pendant le salon, nous avons « bouclé » le tour de la Terre en 48 heures avec une seule escale à Auckland, en Nouvelle Zélande. Une première mondiale. Notre A340, le World Ranger, premier quadriréacteur de l’histoire d’Airbus avait tourné comme une horloge**. Pensée pour nos compagnons de vol, dont nos pilotes d’essais Nick Warner, Pierre Baud, Bernard Ziegler, Gérard Guyot (l’organisateur) Jean Marie Mathios, notre Ingénieur Navigant d’Essais, notre ingénieur Alain Garcia et son équipe. Ce qui nous a valu le « Guinness des records ».
Et puis un autre grand moment : la visite de Charles Duke, équipier d’Apollo 16. l’un des 12 qui ont marché sur la Lune. Le plus jeune d’entre eux. Et l’un des 4 survivants à ce jour. Il sera accueilli par son camarade astronaute et cosmonaute, ancien de la NASA, le Général Jean Loup Chrétien, au Bourget 2023.
Voilà ce tour de salon rapidement bouclé. Plein de bonheur à tous ceux qui s’y rendront.
Michel Polacco pour AeroMorning
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Liens :
* Universal Hydrogen a fait voler cette année un Dash Q400 dont un moteur fonctionnait à l’électricité produite par une pile à combustible H2. https://www.h2-mobile.fr/actus/universal-hydrogen-boucle-vol-historique/
** Le Tour du Monde en 48 heures. Michel Polacco Gérard Guyot, le Cherche Midi Editeur, 1993. Français et anglais. https://www.fnac.com/a1031806/Michel-Polacco-Le-Tour-du-monde-en-48-heures#:~:text=Pendant%20le%20Salon%20du%20Bourget,Z%C3%A9lande%2C%20aux%20antipodes%20de%20Paris.