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L’Agence spatiale européenne, un acteur civil crucial pour la défense et la résilience

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Couramment désignée par son acronyme anglophone d’ESA, l’Agence spatiale européenne, basée dans le 15e arrondissement de Paris, demeure méconnue du grand public, qui l’associe à l’Union européenne. Il n’en est rien : même si elle développe des programmes spatiaux de l’UE, l’ESA est une agence intergouvernementale créée par et pour ses États membres – dont la France – il y a un demi-siècle, le 30 mai 1975. Tous les membres de l’UE ne sont pas dans l’ESA, et trois États hors de l’Union font partie des 23 membres actuels de l’Agence : le Royaume-Uni, la Suisse et la Norvège.

Les 26 et 27 novembre, comme tous les trois ans environ, le Conseil de l’agence réunira les ministres en charge du spatial de ses pays membres. « L’enjeu est important puisque ces Conseils ministériels vont enregistrer des souscriptions correspondant à 70 à 75% du budget de l’ESA pour les 3 ans à venir », indique Isabelle Duvaux-Béchon, conseillère senior pour les programmes sécurité et défense et auditrice de l’IHEDN. « Le reste vient de l’Union européenne, de clients comme l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques EUMETSAT, ou d’États membres qui confient à l’ESA le développement de programmes nationaux. »

L’agence européenne n’a donc pas de budget garanti ou reconductible : tout dépend des souscriptions, et donc des programmes et activités décidées par les États, poursuit la conseillère :

« D’une année sur l’autre, les budgets peuvent être plus élevés ou plus faibles que l’année précédente, heureusement ces dernières années plutôt en augmentation. Le budget total de l’ESA pour 2025 est de près de 8 milliards d’euros. »

VOLS HABITÉS, MISSIONS ROBOTIQUES, OBSERVATION DE LA TERRE, TÉLÉCOMMUNICATIONS…

Comme chaque fois, les activités qui seront proposées aux ministres couvrent un spectre très large : science, vols habités et missions robotiques, observation de la Terre, télécommunications, navigation, transport spatial, opérations, sûreté spatiale, technologie… Ces différents programmes sont soit souscrits en bloc par les États, soit « à la carte », explique Isabelle Duvaux-Béchon :

« L’ESA propose à chaque fois un « bouquet » de programmes (certains en continuité de programmes existants, d’autres nouveaux) couvrant les activités sous « niveau de ressources » (science spatiale, études, investissements, éducation…) financées au prorata du PNB de chaque État (une fois qu’ils se sont mis d’accord sur le total à financer). Les autres sont des activités dites « optionnelles », que chaque État est libre de financer ou pas et au niveau qu’il souhaite. »

Conseiller senior pour la sécurité du directeur général de l’ESA (depuis 2021, l’astronome autrichien Josef Aschbacher), le général de division aérienne (en 2e section) Pascal Legai se dit convaincu que « les besoins en programmes spatiaux sont de plus en plus importants, vu tous les défis auxquels nous faisons face en Europe et pour lesquels le spatial peut apporter des solutions partielles mais décisives. Les capacités industrielles européennes sont au meilleur niveau, capables de développements de très haute technologie avec des budgets beaucoup plus faibles que de l’autre côté de l’Atlantique ».

Cela étant, poursuit le général, il est « difficile de savoir comment les arbitrages seront rendus le mois prochain », dans un contexte d’instabilité politique et de contraintes budgétaires dans certains États, et de besoins de financement pour des secteurs cruciaux comme l’éducation, la santé ou la défense.

L’UTILISATEUR FINAL CHOISIT L’USAGE CIVIL ET/OU MILITAIRE

Même si l’ESA a une vocation civile, ses actions bénéficient à la défense de ses pays membres – comme toujours dans le spatial, les programmes ont une application potentielle « duale », civile et militaire. L’article II de la Convention régissant l’ESA et signée par ses États membres stipule ceci :

« L’Agence a pour mission d’assurer et de développer, à des fins exclusivement pacifiques, la coopération entre États européens dans les domaines de la recherche et de la technologie spatiales et de leurs applications spatiales, en vue de leur utilisation à des fins scientifiques et pour des systèmes spatiaux. »

Mais, comme l’explique Isabelle Duvaux-Béchon, « en dehors des satellites purement scientifiques, nous, ESA, ne sommes pas des opérateurs des systèmes développés, c’est chaque propriétaire ou utilisateur qui décide de l’usage qui va en être fait, civil ou militaire ».

Concernant la France, la conseillère senior pour les programmes sécurité et défense précise :

« Si l’on prend les six grandes fonctions de sa stratégie de défense et de sécurité nationale (connaissance-compréhension-anticipation ; dissuasion ; protection-résilience ; prévention ; intervention ; influence), les programmes de l’ESA, dans le respect de son mandat et de son statut, concourent directement (ou pourraient mieux concourir) à trois de ces fonctions : connaissance-compréhension-anticipation, protection-résilience et prévention. Ils peuvent aussi soutenir les trois autres. »

« Depuis toujours, les armées utilisent les moyens spatiaux opérationnels développés par l’ESA », ajoute Isabelle Duvaux-Béchon, notamment pour la météorologie, l’observation de la Terre à grande échelle ou les télécommunications. Et dans le contexte actuel d’augmentation des crises, le rôle de l’ESA pourrait se renforcer en profondeur :

« Les satellites et leurs services dérivés sont devenus depuis 50 ans des alliés incontournables de ceux qui ont à gérer ces crises. Mais aujourd’hui, l’Europe ne dispose que de moyens répondant partiellement aux besoins, avec un certain nombre de satellites ou de services nationaux, commerciaux, européens qui ne sont pas capables de se parler. Ils ne permettraient même pas, s’ils étaient unis, de soutenir efficacement les phases aiguës des crises, en particulier pour permettre un accès en temps réel aux données et informations utiles, quel que soit le point du globe. »

UN PROGRAMME DE « RÉSILIENCE EUROPÉENNE DEPUIS L’ESPACE »

Pour pallier cette faiblesse, le directeur général de l’ESA Josef Aschbacher va proposer aux États membres un ambitieux programme de résilience lors du Conseil des 26 et 27 novembre, à Brême, en Allemagne. Le général Legai en détaille les contours :

« Le programme ERS (European Resilience from Space) vise à construire un système de systèmes permettant de mettre à disposition de ceux qui ont à gérer des crises un ensemble de moyens et de solutions complet, interopérable, sécurisé et à forte réactivité. Ce système combinera des moyens d’observation, de communication (à partir du réseau de satellites multi-orbitaux IRIS² développé avec l’UE) et de positionnement (la constellation de satellites Galileo et ses évolutions, pour l’UE) ainsi que, à terme, des interfaces avec des drones, plateformes à haute altitude, Internet des objets ou réseaux sociaux. »

Par ce programme ERS et plus globalement, l’ESA cherche à « mieux comprendre les besoins des armées et des services en charge du maintien de la sécurité sur Terre, pour pouvoir les prendre en compte dans le développement de programmes et applications les plus utiles possibles, et d’impliquer les utilisateurs futurs dans la validation des solutions », ajoute le conseiller senior pour la sécurité du DG.

« MIEUX COLLER AUX BESOINS DES UTILISATEURS DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE »

Les États membres semblent d’ores et déjà intéressés, au point d’envisager un glissement des financements de l’ESA. Le général Legai le souhaite :

« Un certain nombre de ministères de la Défense sont en train d’analyser l’intérêt pour eux de financer directement le programme ERS ou d’autres programmes de l’ESA, alors que traditionnellement les financements à l’ESA viennent des ministères de la Recherche ou de l’Économie. Ils pourraient aussi comptabiliser ces dépenses au titre des engagements pris vis-à-vis de l’OTAN. C’est une vraie évolution, permise par notre Convention, et qui nous permettrait de mieux coller aux besoins des utilisateurs de sécurité et de défense. »

En attendant les arbitrages gouvernementaux fin novembre, les activités de l’ESA contribuent à renforcer l’autonomie stratégique européenne. L’une des illustrations les plus parlantes en est Galileo, puisque ce système de positionnement par satellites, pleinement opérationnel depuis 2024, est plus performant que son concurrent américain, le programme gouvernemental GPS. 

Galileo comprend 32 satellites en orbite et 6 prêts à être lancés, pour plus de 5 milliards d’utilisateurs dans le monde (tous les téléphones récents reçoivent ses signaux). Isabelle Duvaux-Béchon donne un exemple très concret de ses performances pour le grand public :

« Le service « de base » ouvert à tous permet par exemple de savoir sur quelle file d’autoroute on se trouve, quand le signal public du système militaire américain GPS permet seulement de savoir sur quelle autoroute on se trouve. Quant au High Accuracy Service (Service à haute précision), il permet une précision de 20 cm. »

D’autres services de Galileo ont été développés, pour sécuriser la navigation aérienne par exemple, alors que l’EGWSS (Emergency Galileo Warning Satellite Service), destiné aux services de protection civile, a effectué une première démonstration réussie. Et à la fin de l’année, le service PRS (Public Regulated Service), réservé aux usages gouvernementaux et très attendu par les militaires des États membres, sera déclaré en capacité d’opérations initiales.

Auteur IHEDN (Institut des Hautes Etudes Défense Nationale)

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