Avec l’absence de grosses commandes depuis le dernier contrat d’Emirates pour 50 avions en décembre 2013, ces dernières années n’ont pas été favorables à Airbus et son A380. Pourtant, lors du premier vol du géant des airs en 2005, nombreux étaient ceux qui lui prédisaient un avenir glorieux. L’avion, en plus d’avoir contribué à démontrer la puissance des moyens industriels d’Airbus, se destinait à un marché plus que prometteur qui, en 2017, n’a toujours pas montré son réel potentiel. Malgré cela, les récentes prévisions de trafic aérien mondial pourraient jouer en faveur de l’avionneur européen et enfin donner raison à ceux qui croient au succès commercial du plus gros avion de ligne de tous les temps.
Une bonne idée de départ
Les origines du programme A380 remontent au début des années 2000. A cette époque, les études commerciales d’Airbus mettent en lumière l’apparition d’un besoin pour un avion très gros porteur auprès des compagnies aériennes. En l’an 2000, 1,674 milliards de passagers ont voyagé à bord d’avions commerciaux et les prévisions prévoient que ce chiffre double en 20 ans. Les aéroports ne pouvant s’étendre indéfiniment, la problématique de la congestion des plateformes les plus sollicitées prend alors tout son sens. Selon Airbus, la solution réside dans le développement d’un très gros porteur. Pour une même ligne aérienne, ce type d’avion pourrait remplacer deux appareils de capacité moindre et ainsi contribuer à limiter la saturation des aéroports. Légitimée par une demande totale estimée à 1200 avions de plus de 400 places sur 15 ans – avec une part de marché de 50% pour Airbus – , cette étude aboutit sur la conception de l’A380. Face à l’engouement d’Airbus, Boeing considère toutefois que la demande pour ce marché ne s’élèverait pas à plus de 400 avions sur 15 ans.
L’Airbus A380, 12 ans plus tard
Douze ans après le premier vol de l’A380, seules 317 commandes nettes de 18 clients ont été enregistrées. Malgré une part de marché de 90% sur le segment des avions de plus de 400 places, ces chiffres sont loin des 600 appareils qu’Airbus prévoyait de vendre au début des années 2000.
Alors quelle pourrait être la cause à l’origine d’un tel décalage sur les prévisions ? De nombreux facteurs permettent de l’expliquer. Parmi eux, l’apparition et le succès du Boeing 787, un long-courrier de moyenne capacité aux coûts d’exploitation exceptionnellement compétitifs. Les compagnies se le sont arraché et ont montré qu’elles préféraient en exploiter deux sur une même ligne à la place d’un seul très gros porteur. L’A380 de son côté, bien qu’imbattable en termes de coût par siège, n’est rentable que s’il est plein. Les compagnies qui l’utilisent sur des lignes où la demande ne permet pas de réaliser cet objectif en permanence voient l’A380 comme un gouffre financier plus qu’un gage de rentabilité.
Airbus se serait-il précipité ?
En 2016, Fabrice Brégier, le second d’Airbus, affirmait que l’A380 avait été lancé « dix ans trop tôt ». S’il semble que la conjoncture et l’évolution du marché entre 2005 et aujourd’hui n’aient pas permis de satisfaire les ambitions d’Airbus sur le segment du très gros porteur, tout porte cependant à croire que les prochaines années pourraient être favorables à l’A380. Les dernières prévisions de l’Association du Transport Aérien International (IATA) soulignent que le trafic aérien mondial devrait doubler d’ici 2036 pour atteindre les 7,8 milliards de passagers transportés par an. La problématique de la saturation des aéroports n’a quant à elle pas disparu et s’en verra d’autant plus préoccupante …
Les atouts de l’Airbus A380 auront alors toutes leurs chances d’être mis en valeur. Lorsqu’il est plein, l’avion est réputé pour avoir un coût au siège qu’aucun autre avion ne peut atteindre et le confort offert aux passagers n’a pas d’équivalent sur le marché. Pour préparer l’avenir et remettre l’A380 au goût du jour, Airbus a lancé l’A380plus au salon du Bourget 2017. Cette version de l’avion est pleine de potentiel avec un coût au siège réduit de 13 % par rapport à la précédente version, une aérodynamique optimisée promettant une réduction de la consommation en carburant de 4 % et une cabine offrant 80 sièges supplémentaires.
Si on ajoute à cela le fait que Boeing pourrait prochainement arrêter la production de son 747-8i, principal concurrent de l’A380, Airbus disposerait d’un boulevard pour devenir numéro un dans le domaine du très gros porteur. A moins que le futur Boeing 777-9, biréacteur taillé pour emporter jusqu’à 500 passagers avec seulement deux réacteurs ne lui fasse de l’ombre.
Loïck Laroche-Joubert, à Toulouse pour AeroMorning.