Disparition d’un « grand » des essais en vol.
C’est une génération entière qui s’éteint, celle des essais en vol des années cinquante, qui a largement contribué à la reconstruction des ailes françaises. Ainsi, Jean Beslon vient de disparaître, à 82 ans. Et nombre de ses collègues et amis ne sont déjà plus là pour souligner ses grands mérites, qui ont marqué de bout en bout une belle carrière chez Snecma puis Aérospatiale, menée avec une grande discrétion.
«Il avait un comportement d’une grande noblesse», dit de lui André Turcat, qui a travaillé étroitement avec Jean Beslon tout au long des essais en vol de Concorde. Jean Conche, un collègue proche, renchérit : «il était très solide techniquement». Autre compagnon de route attristé par cette disparition, Jacky Joye, lui aussi ancien ingénieur navigant d’essais de Snecma, plus tard d’Airbus, évoque Jean Beslon comme d’un homme capable d’anticiper les problèmes. Et qui était très apprécié d’Henri Perrier, souligne-t-il, un beau compliment.
Comme beaucoup, Jean Beslon a travaillé dans l’ombre, sans fréquenter les médias, occupant des fonctions importantes, au fil de grands programmes, dans la spécialité délicate qui fut longtemps la sienne, celle des moteurs. Sorti de Sup’Aéro en 1952, de l’EPNER quatre ans plus tard, il avait tout d’abord rejoint la section Moteurs du Centre d’essais en vol, où il avait succédé à Jean-Claude Wanner. Puis, en 1964, il était entré chez Snecma, à un moment d’activité intense liée aux développements successifs de la lignée des Atar.
Puis avait débuté la saga Concorde. Dès les débuts de l’Olympus 593 destiné à la propulsion du supersonique franco-anglais, moteur issu d’une coopération inédite entre Bristol Siddeley (et plus tard Rolls-Royce) avec Snecma, c’est Jean Beslon qui avait mis au point les modalités de la participation française aux premiers essais en vol du moteur sur un bombardier Avro Vulcan. «Il avait bien mené l’affaire», se souvient Jean Conche, les enseignements ainsi réunis étant ensuite judicieusement appliqués à Concorde. Il avait accumulé 600 heures de vol à bord du supersonique et, notamment, participé au premier vol du 02, le premier exemplaire de la configuration de série. Il était ainsi devenu l’ingénieur navigant d’essais de référence de l’Olympus 593, une qualité qu’André Turcat et Henri Perrier étaient les premiers à lui reconnaître et qui lui valait également le respect des équipes anglaises.
Plus tard, Concorde ayant obtenu sa certification, Jean Beslon avait rejoint d’après-vente de Snecma à Corbeil puis avait pris de nouvelles fonctions au sein du bureau d’études d’Aerospatiale à Toulouse. Quand l’heure de la retraite a sonné, fort d’une expérience exceptionnelle dans sa spécialité, Jean Beslon était resté actif comme consultant, entre autres missions pour la Commission européenne. Puis il avait participé à l’analyse et à la compréhension de l’accident du Concorde d’Air France de la mi-2000. Un beau parcours.
Pierre Sparaco – AeroMorning
J’ai eu la chance d’assister Jean Beslon dans toute la période de préparation du premier vol de Concorde et j’ai apprécié sa personnalité calme, sa gentillesse, sa courtoisie et sa classe ainsi que l’atmosphère de confiance qu’il savait faire régner au sein du groupe de ses collaborateurs. Un souvenir précieux de ma vie professionnelle.