Même les américains lésinent sur les investissements en matière industrielle. On l’a vu avec l’aviation civile, et l’absence de projet de nouveau monocouloir, après 50 ans de vie du Boeing B737 et les misères du B737 Max. Et la crise, dont le géant US n’est pas encore sorti. Mais il en va de même en matière militaire. Le F18 n’en finit pas d’être modernisé depuis sa naissance en 1978. Comme du reste le F16, sorti en 1974…. Le biréacteur et le mono réacteur ont remporté un record de marchés dans le monde, sous le parasol porteur de l’Oncle Sam et de la puissance de persuasion politique américaine. Mais personne ne peut contester qu’il s’agisse de bons avions. L’aéronavale américaine ne possède plus que ce chasseur bombardier depuis l’obsolescence du F14 Tomcat cher à Top Gun !
Mais les armées US (USAF, US Navy, US Marine Corp) réclament l’avion de cinquième génération. Depuis le milieu des années 1990, l’industrie US fait des plans, le gouvernement US et le parlement font des spécifications, sachant que cette fois-ci, comme l’a fait la France avec son avion multi rôle, multi missions, c’est bien un avion polyvalent qui est réclamé pour raison d’économie, de rationalisation des flottes, et de facilités d’exportations, car les clients potentiels de l’industrie US, et il y en a, ont les mêmes soucis, accrus par la modestie forcée de leurs dotations. Ainsi ont été proposés les X 35 par Lockheed Martin, (associé à Northrop Grumman et BAE System) et X32 par Boeing.
L’appareil demandé est bizarrement plutôt modeste en matière d’ambition : monomoteur, mono pilote ! Etonnant, quand on se souvient qu’après la première guerre du Golfe, en 1991, toutes les forces aériennes avaient été subjuguées par les capacités opérationnelles des avions biplaces et des équipages composés d’un pilote et d’un officier système d’armes, navigateur. Et que du coup bien des forces armées s’étaient converties aux biplaces de combat, et de préférence multi moteurs (quand on connaît les conséquences politiques d’une panne, suivie dans le meilleur des cas d’une captivité, etc.
Mais l’avion 5G, de cinquième génération, est donc « single Pilot » et « single Engine » ! Aucune version biplace ou école n’est prévue. Et début des années 2000, exit le X32, de Boeing, le choix s’est porté sur le X35, devenu F35 Lightning II, en mémoire du Lightning I, le fameux P38 (pour nous, dernier avion piloté par Saint Exupéry avant sa disparition). Le F35 est décliné en 3 modèles : Version A, terrestre, (CTOL), classique, version C, navale, (CATBAR, catapulte, Brins d’Arrêt), classique, et version B, décollage court (tremplin), ou vertical si très léger, et atterrissage court ou vertical. Ainsi le F35 doit remplacer à terme les A6 Intruder, les F16, les F18, les Sea Harrier (GB et US) ainsi que l’avion d’attaque au sol A 10 Thunderbolt.
Ce « Joint Strike Fighter » (JSF), son nom politico Industriel, car il est le produit d’une coopération, ne devrait à terme plus avoir d’autre compagnon américain dans le ciel de combat autre que le F22 Raptor US, le plus cher et le plus sophistiqué des chasseurs US. 21 JSF avions de présérie ont été construits. Equipés du réacteur F135 Pratt et Whitney. Le GE/Rolls Royce F136 a été abandonné. Le premier vol s’est déroulé le 15 décembre 2006. Depuis, les retards se sont accumulés, et le prix n’a cessé de grimper. Les incidents et les difficultés de développement se sont accumulés et succédés. Les accidents aussi. Sept au total, à ce jour, y compris en Italie, au Japon. La mise au point demeure laborieuse. Le système d’arme est très complexe car très ambitieux. La production est en cours. Le facteur estimé le plus positifs semble être la furtivité de cet avion supersonique (Mach 1.4 +) ce qui est remarquable. Au total, les estimations ont dépassé 1.000 milliards de dollars ! Pourtant, le total des commandes relevées à ce jour dépasse 3500 ! Les Usa pour leur part ont réduit leur cible de commandes toutes inclues à 2450 appareils. Les autres sont destinés à l’exportation, avec assemblage en Italie, pour les clients européens.
Nous n’allons pas entrer dans le détail des performances, l’avion est ravitaillable en vol, mais selon armement il peut afficher une autonomie de 2.800 km, soit 1.140 km de rayon d’action avec 30 minutes sur zone. Il monte à 18.000 mètres, pèse de 14 tonnes à vide à 27 tonnes au maximum au décollage, et emporte tous les armements disponibles pour le combat air/sol, le bombardement (y compris nucléaire pour les pays de l’OTAN, ce sera du reste sa mission en remplacement des Tornado britanniques et allemands).
Près de 20 pays en ont commandé. Plus de la moitié sont des pays européens membres de l’OTAN. Du reste l’Allemagne par exemple a passé commande en février sous la pression de la guerre en Ukraine, pour 35 avions chargés de remplacer ses Tornado britanniques. Les américains savent que l’Allemagne développe un avions de 5° génération avec les français et les espagnols, dans le cadre de l’accord SCAF*, mais ils ne tolèrent pas que dans l’intervalle de l’arrivée de ce « NGF », ce soient éventuellement des Rafale qui assurent cette mission nucléaire tactique. Ils ont au demeurant commandé en parallèle 18 Eurofighter Typhoon pour les accompagner dans ces missions nucléaires complexes.
Parmi les clients on compte en tête les britanniques pour leur Air Force et pour leur Navy et ses deux porte avions à tremplins et brins d’arrêt. L’Italie pour son armée de l’air et son porte aéronef « Cavour ». Mais aussi la Grèce, l’Espagne, la Finlande, pour remplacer ses F18, la Tchéquie, la Belgique, le Danemark, la Norvège, les Pays Bas, la Pologne. Un carton en Europe auquel il faut ajouter la Suisse. Plus de 10 pays qui auraient du jouer « européen ». Preuve du pouvoir d’acier des américains sur les européens et sur l’Union Européenne. Directement et au travers de l’OTAN, et renforcé par la peur nucléaire engendrée par la guerre en Ukraine et qui conduit à se rassembler sous le parapluie US. La Turquie a été exclue par les USA car elle achète des systèmes évolués de défense aérienne aux Russes, ce qui inquiète bien sur les américains. Pourtant c’est un pays de l’OTAN. Et pas des moindres !
Et s’ajoutent le Japon, la Corée du Sud, les Emirats Arabes Unis, Israël et Singapour…. La liste va encore s’allonger. La période est porteuse. Près de 400 appareils sur les 3500 en commande sont livrés. En service, non. Pas tous. Peu en fait. Et pas complètement. Les déboires du F 35 ne sont pas achevés et l’avion est encore en développement. On annonce un prix de l’heure de vol TTC de l’ordre de 31.000 euros …. (Vs 14.000 pour le Rafale sur les mêmes bases de calcul !)
Ainsi, si le Rafale a remporté ces dernières années quelques beaux succès, dans sa proximité politique : il est exclu, presque totalement (sauf la Grèce), et la politique américaine de la terre brulée sur fond de conflit et de peur ne va pas lui laisser d’espace alentours, et les ventes ne seront pas aisée. Quand à l’avenir : Une chose parait sûre : le SCAF et son NFG franco-hispano-allemand a du plomb dans l’aile. Sujet sensible, déjà compliqué avant l’achat des F35 et devenu critique depuis. Mais après tout un NGF français, dans un SCAF à redéfinir, avec des partenaires nouveaux, qui sait, tout peut s’imaginer, ça pourrait aussi arriver ? A suivre …. Michel Polacco pour AeroMorning