Les inquiétudes énergétiques frappent les transports aériens de plein fouet. Le pessimisme se justifie-t-il ?
L’aviation commerciale représente tout au plus 2 % de la consommation énergétique totale de la planète Terre.
Mais elle est tellement visible, tellement exposée, qu’elle fait l’objet d’attaques de plus en plus vives en même temps qu’elle tarde singulièrement à répliquer.
Georges Ville, nouveau président de l’Académie de l’air et de l’espace, grand ancien d’Aerospatiale et Airbus, répond de manière claire et nette : «l’avion a atteint une grande maturité technique, le kérosène de synthèse permet de ne pas redouter une pénurie mais il faut aussi poursuivre les travaux sur l’hydrogène». C’est ce qui s’appelle aller à l’essentiel en un minimum de mots.
A la tribune de la Médiathèque de Toulouse, Georges Ville n’en a pas moins évoqué l’autre soir des pistes de travail qui déroutent, pour ne pas en dire davantage. Débarrassé de l’obligation de réserve qui caractérise la plupart des intervenants lénifiants de colloques ou les interviews policées de responsables toujours aux affaires, il a aligné quelques propositions qui risquent de déranger le commun des voyageurs aériens.
Première remarque : plus un avion est gros, plus il est efficace en termes d’économie opérationnelle. Mais, au-delà d’une certaine limite, la masse devient une pénalité, ce qui permet d’envisager une taille optimale se situant entre 200 et 300 sièges.
Deuxième remarque : si les avions commerciaux volaient moins vite, par exemple à Mach 0,7 au lieu de Mach 0,85, le gain en matière de consommation pourrait atteindre 10%. D’autre part, les très long-courriers emportent évidemment beaucoup de carburant, ce qui augmente d’autant leur masse au décollage et conduit à constater que, pendant une partie du vol, ces avions consomment du carburant …pour transporter du carburant. De là à imaginer de rompre le cercle vicieux en réinventant les escales techniques…
Troisième remarque : il serait possible de réduire la surface de cabine attribuée à chaque voyageur et d’obtenir ainsi d’importants gains d’efficacité. Remarque iconoclaste : les sections «affaires» et «première», très soignées par toutes les compagnies à la poursuite de passagers à haute contribution («tarifs élevés» en français commun) sont grosses consommatrices de mètres carrés de cabine et, de ce fait, moins rentables qu’il n’y paraît à première vue.
Voici qui nous fait entrevoir une hypothétique aviation commerciale de l’avenir qui n’a plus rien à voir avec nos aspirations les plus raisonnables et nos rêves les plus sages : des sièges encore plus petits, dans des avions plus lents, faisant escale à Gander ou aux Açores pour nous conduire aux Etats-Unis ou se posant à Anchorage, comme au bon vieux temps, sur la route du Japon.
Heureusement, d’autres éléments d’appréciation peuvent être versés au dossier, à commencer par de nouvelles avancées technologiques susceptibles de diminuer la consommation des moteurs de nouvelle génération, des avions sans cesse plus légers et, Georges Ville n’a pas eu l’occasion de le dire, une gestion intelligente de l’espace aérien.
Quand nous étions jeunes, on nous promettait des soucoupes volantes supersoniques pour l’an 2000. Le moment venu, après avoir annihilé tout espoir de donner un successeur à Concorde, enterré le projet Sonic Cruiser et inventé les contrôles de sûreté, voici que sont annoncés des avions lents, incapables de voler sans escale aussi longtemps que Charles Lindbergh mais tout aussi inconfortables que le Spirit of St. Louis.
C’est la part de rêve du XXIe siècle. Puisse Georges Ville se tromper du tout au tout !
Pierre Sparaco-Toulouseweb-aero.com
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