Douzième succès pour Arianespace sur fonds de difficiles restructurations capitalistiques
C’est sur un douzième succès triomphal qu’Arianespace clos cette année 2015 avec le lancement de la fusée Soyouz emportant sous sa coiffe deux satellites Galileo de la série FOC (à pleine capacité opérationnelle) qui ont rejoint la constellation Galileo. Ce qui porte au demeurant cette constellation à 12 satellites et dote progressivement l’Europe de son propre système satellitaire de géolocalisation en concurrence du renommé GPS (Global Positionning System) américain.
Douze lancements dans l’année, cela veut dire qu’Arianespace a renoué avec un rythme de lancement qu’elle n’avait plus connu depuis l’année 2000 durant laquelle Ariane 4 et Ariane 5 étaient exploitées simultanément. Et cette cadence surpasse d’un lancement celle de l’année 2014 durant laquelle Arianespace avait déjà procédé à 11 tirs. Il est vrai qu’après avoir intégré au Centre Spatial Guyanais, le lancement des fusées Soyouz à partir de 2011, Arianespace procède depuis 2012 aux lancements des fusées Vega, ce qui complète et optimise les possibilités de lancement d’Arianespace.
Ce qui tombe à point nommé si je peux dire face à une concurrence qui se profile côté américain, avide qu’est le pays aux 50 étoiles à reprendre le leadership des lancements de satellites, au moins pour ce qui concerne les lancements de satellites civils avec des concurrents tels que SpaceX avec les lanceurs Falcon, Orbital Science, et dans une moindre mesure Virgin Galactic qui se place sur le marché du tourisme spatial. L’Inde, « particulièrement performante » estiment les experts mondiaux, est aussi considérée comme un concurrent sérieux à ne pas négliger, sans oublier non plus la puissance chinoise. Great Wall Industry et son lanceur Long March n’attendent que les autorisations étatiques afin de pouvoir proposer leurs services sur le marché concurrentiel.
Une chose est sûre, les options prises par le passé par Arianespace d’élargir ses prestations avec le lancement non seulement d’Ariane 5 sur le créneau des 10 à 20 tonnes de capacité d’emport, mais aussi de Soyouz pour des charges comprises entre 3 250 kg et 4 400 kg et plus récemment du lanceur Vega pour de plus petites charges (1 500 kg), constituent un atout de taille face à la concurrence.
Pas question ici de faire un inventaire de tous les contrats qu’a capté Arianespace durant cette année 2015, mais on peut la qualifier de très bonne année. D’autant plus que les structures de l’entreprise Arianespace a commencé à évoluer à la demande de ses actionnaires.
Certes il y a des retards dus à d’inévitables adaptations de périmètre. Je pense là à la société Airbus Safran Launchers (ASL) qui devait être finalisée en octobre de cette année entre Airbus (qui apporte ses activités spatiales hors satellites) et Safran via Herakles (pour la motorisation des lanceurs). Or, comme le disent les syndicats « il y a des retards à l’allumage » qui sont de nature à retarder le développement de la futur Ariane 6 appelée de tous ses vœux par l’Europe et qui a été portée à bout de bras par l’ancienne et très charismatique ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Geneviève Fioraso qui a démissionné fin mars 2015 pour raison de santé.
Or la création effective de l’entreprise ASL est capitale pour la restructuration de la filière spatiale française puisqu’elle a vocation à devenir actionnaire à 74 % d’Arianespace en acquérant les parts détenues par le CNES dans le capital d’Arianespace.
Que deviendra le contrat de développement d’Ariane 6 confirmé le 12 août par l’Agence spatiale européenne (ESA) si ASL ne voit pas le jour ? Un contrat qui porte sur le financement des travaux de développement du lanceur Ariane 6 dans ses versions Ariane 62 et 64 jusqu’à sa phase de pleine capacité opérationnelle en 2013.
L’affaire est hautement stratégique pour l’Europe si bien qu’il semble improbable que la création de cette coentreprise, sur la base équitable des 50/50, ne se fasse pas.
En attendant les mêmes industriels travaillent sur le plan commercial à remporter des contrats. Ce qui fut le cas durant le salon du Bourget pour Airbus Defense & Space qui a été choisi par OneWeb pour la fabrication de 900 microsatellites de sa future constellation dédiée à l’Internet pour tous. 900 satellites qui seront mis en orbite par Arianespace. Le contrat prévoit 21 lancements par des fusées Soyouz, assortis de 5 lancements Soyouz supplémentaires et de 3 lancements par Ariane 6. Autant dire qu’il faut que cette Ariane 6 dont dépend la création d’ASL voit le jour dans les délais impartis. A la finance cette fois de jouer son rôle sans hégémonie.
Nicole Beauclair pour AeroMorning
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