Le prochain rendez-vous est prévu pour le 29 novembre prochain, dans l’enceinte de la Cour d’appel de Versailles : ce jour-là sera rendu public le verdict du deuxième procès Concorde. Il est attendu avec plus de curiosité que d’impatience, d’autant qu’il ne conduira pas à refermer définitivement le dossier. En effet, quels que soient les éventuels développements en cassation, le tribunal ouvrira ensuite le nouveau procès de Jacques Hérubel, disjoint de l’étape précédente, un homme bien seul en sa qualité d’ingénieur de Sud Aviation/Aerospatiale ayant joué un rôle important dans la mise au point et le suivi technique de l’avion de transport supersonique franco-britannique. Henri Perrier, est-il besoin de le rappeler, n’est plus là. Pire, il manque, et continuera de manquer, à la communauté aéronautique tout entière mais aussi face aux hommes et aux femmes de loi.
Reste le fait, dans l’immédiat, que le procès de Versailles laisse un goût amer. Il n’a rien apporté de décisif et, notamment, n’a pas permis à Continental Airlines de s’extraire du guêpier dans laquelle la compagnie aérienne américaine s’est retrouvée pour cause de lamelle ayant initié la séquence d’événements qui a conduit, en quelques dizaines de secondes, au crash de Gonesse. Les témoins venus à la barre pour suggérer un autre scénario n’ont pas convaincu, pas même le commandant de bord d’Air France qui s’est retrouvé aux premières loges, dans son cockpit, ce 25 janvier 2000. Demeure un océan d’incertitudes, à l’opposé des conditions requises pour formuler un verdict solide.
Il fallait tenter de réconcilier cohérence et vérité, et ce ne fut pas le cas, pour cause de zones d’ombre. Dès lors, nous a confié un observateur de haut niveau, «les juges ont bâti un roman historique, qui se veut cohérent». Une remarque qui, au minimum, mérite réflexion. D’autant que les esprits de certains ont souffert d’une grande confusion dès l’instant où il n’a plus été exclusivement question de l’accident lui-même mais plutôt de ses conséquences sur l’image d’Air France, mais aussi de la réputation de Continental.
Les réquisitions disent que l’amende infligée à la compagnie américaine devrait être portée à 225.000 euros tandis qu’Air France lui demande 15 millions pour préjudice moral, atteinte à son image, à sa réputation ou encore dénigrement. Le chaudronnier américain qui a fabriqué la lamelle litigieuse bénéficierait de la clémence des juges, ce qui n’était pas le cas en première instance, parce qu’il n’aurait pas eu conscience du risque lié à son geste. Mais que dire à ce moment-là de Claude Frantzen, contre qui sont requis 18 mois avec sursis. Aurait-il dû prendre conscience du risque que lui faisait prendre le poste à grandes responsabilités que lui avait attribué la DGAC ?
André Turcat juge le procès absurde. Pierre Grange est très critique, lui aussi. Cet ancien pilote de l’avion supersonique préside l’APCOS, Association des professionnels de Concorde et du supersonique. Le procès, dit-il, a été totalement improductif, il a tout amené sauf de la sécurité supplémentaire. Est-ce à dire que deux procès, au total près de 8 mois de débats, ont tout simplement conduit à une impasse ? Si, d’aventure, la réponse à cette question était positive, en tout logique, la relaxe générale s’imposerait. A moins, bien sûr, d’instruire un procès contre la prise de risques, ou la suppression de ces derniers. Elle survient de temps à autre, en cas de grève générale des pilotes ou des contrôleurs aériens : la sécurité aérienne est à son plus haut niveau quand les avions restent au sol. En d’autres termes, quand prévaut l’absurdité.
Pierre Sparaco – AeroMorning
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