Airbus doit poursuivre la hausse des cadences
Malgré les problèmes que rencontre Airbus depuis plusieurs mois concernant les retards pris dans les livraisons de son nouvel A350 et les difficultés de mise au point de la version remotorisée des appareils de la famille A320, Airbus n’a cessé de tenir le haut du pavé en engrangeant des commandes qui avoisinent le millier d’appareils par an.
Sur les 5 dernières années, d’avril 2010 à fin avril 2016, l’avionneur européen a amoncelé 6 400 nouvelles commandes dont 5 479 portent sur la famille A320, a rappelé John Leahy à l’occasion des Innovation Days (Journées de l’Innovation) d’Airbus qui se sont déroulés cette semaine à Hambourg. « En considérant que nous maintenons notre ratio commandes/livraisons à 1 (c’est le « book to bill ») d’ici à 2020, « nous avons devant nous 8 années de production à la cadence d’assemblage de 60 A320 par mois », a t-il expliqué. Ce qui lui fait dire qu’il est « normal que les ventes se tassent, comme c’est le cas depuis le début de l’année 2016, sinon on pourrait se poser la question du sérieux de ces nouvelles commandes ».
Si le maintien d’un book to bill de 1 permet d’assurer la production des actuels A320 en commande durant 8 ans, il faut remarquer que cette hypothèse prend en compte une cadence de 60 avions par mois. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui où la cadence de 42 A320 assemblés par mois fin 2015 progresse continuellement pour passer à 50 avions/mois en 2017 pour atteindre les 60 appareils/mois qu’en 2019.
Pour Fabrice Brégier, il ne fait aucun doute qu’il faut poursuivre l’augmentation des cadences de production afin de réduire les délais de livraison des appareils. C’est un moyen de fidéliser les clients que sont les compagnies aériennes et d’en gagner de nouveaux. Surtout à un moment où l’on constate une reprise à la hausse du cours du pétrole. Sa faiblesse des derniers mois aurait pu conduire à conserver dans les flottes des avions moins modernes et plus gourmands en kérosène. Mais ce serait là un mauvais calcul car il faut toujours aller de l’avant et garder sa marge de compétitivité face à une concurrence qui peut être industrielle pour les avionneurs, et commerciale lorsqu’il s’agit des compagnies aériennes.
C’est bien de prendre des commandes, faut-il encore les honorer en temps et en qualité. La qualité on le sait c’est aussi bien la qualité intrinsèque d’un produit, que les performances auxquelles s’attendent les clients. Performances techniques, qui sont les prérequis des compagnies aériennes clientes, et qualité des aménagements intérieurs qui concernent plus le client final, à savoir les passagers que nous sommes, n’a pas hésité à réaffirmer Fabrice Brégier, le patron d’Airbus qui pour illustrer ses propos n’a pas hésité à dire qu’un passager ne peut pas se satisfaire de portes de toilettes qui ne sont pas ajustées et qui n’assurent donc pas l’intimité incontournable que demande un tel équipement. Une autre occasion de fustiger certains équipementiers qui n’arrivent pas à rattraper leur retard dus en grande partie à de la non qualité et certainement à une organisation qui peine à retrouver un niveau satisfaisant. On le constate, les performances techniques sont tout autant importantes, tant pour l’avionneur que directement pour les compagnies aériennes, les difficultés de mise au point des A320neo sont là pour le rappeler, notamment pour les compagnies qui ont choisi les moteurs Pratt & Whitney Pure Power (les PW1100). D’ores et déjà des modifications ont été apportées. Le calculateur de régulation numérique à pleine autorité (FADEC) a été modifié afin qu’il n’émette pas de fausses alertes, tandis que durant l’été des modifications seront apportées afin que le temps de mise en route des moteurs rejoigne celui qui est d’usage sur les A320 classiques. Une modification qui sera adoptée sur les moteurs livrés durant l’été et qui fera l’objet d’une intervention sur les moteurs déjà en service et qui prendra effet à l’automne prochain. De la même façon, des modifications sur les circuits hydrauliques va permettre d’obtenir une température limite supérieure de 5 °C évitant ainsi les surchauffes qu’ont subi les A320neo dotés de PW1000.
Tous ces ajustements de dernière minutes n’ont de cesse d’exaspérer le patron d’Airbus qui rappelle que l’industrie aéronautique a radicalement changé, elle a évolué et que les fournisseurs, que ce soit de grands groupes ou de plus modestes entreprises, ne peuvent plus travailler à la manière de ce qui se pratiquait dans les années 1960/1970. « Cela n’est plus admissible ». On comprend en effet que ces retards successifs sont de nature à faire perdre un peu de l’avance qu’un avionneur possède sur son concurrent direct qui est Boeing aujourd’hui. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’il faut aussi qu’Airbus garde ses avances technologiques sur de nouveaux concurrents, qu’il s’agisse du CSeries de Bombardier, du MRJ de Mitsubishi, du MS-21 d’Irkut, ou du C919 de Comac. Ils sont nombreux.
Toujours est-il que les Journées de l’Innovation que tient Airbus tous les ans pendant 48 h permettent de faire le point sur l’avancement des programmes, sur l’état des commandes, sur les gammes d’avion et les possibles nouvelles versions, telle qu’une éventuelle extension vers le haut de la gamme A350, mais le marché existe t-il vraiment ? « Si c’est le cas et que des clients qui comptent sur le marché en commandent en assez grand nombre, Airbus le construira, affirme une autre source qui s’est confiée à l’agence Reuters.
Ces journées sont là aussi pour faire un focus sur les technologies, les innovations et les recherches qui sont menées afin de non seulement assurer l’avenir d’Airbus, mais lui permettre dans l’immédiat de faire face aux montées en cadence. Et dans ce domaine, Tom Williams, le directeur des opérations pour Airbus a largement insisté sur la nécessité d’améliorer sa productivité en faisant participer le plus largement possible la chaîne de ses fournisseurs.
Pour ce qui concerne la famille des A320, il a confirmé la mise en place d’une quatrième chaîne d’assemblage à Hambourg qui prendra place dans un hall construit à l’origine pour une éventuelle augmentation des cadences de production des A380, ce qui n’est plus d’actualité actuellement. Mais c’est aussi là un moyen de diminuer les coûts à imputer à l’A380 et d’abaisser le seuil de son amortissement qui a été atteint en 2015.
Cette quatrième chaîne d’assemblage dans la ville hanséatique de Hambourg portera ainsi à 7 le nombre de sites d’assemblage des monocouloirs avec la chaîne de Toulouse, celle de Tianjin (Chine) et celle ouverte en 2015 à Mobile (Etats-Unis)… ce qui fait dire à Tom Williams que le soleil ne se couche jamais sur la production de l’A320. Mais ce n’est pas uniquement de nouvelles chaînes qui permettront de monter en cadence, il s’agit aussi d’agir en amont. Ainsi la robotisation ou pour le moins l’automatisation de la production des sous-ensembles est un des volets sur lequel s’est penché Airbus qui a adopté à Broughton (le spécialiste Airbus des voilures) des systèmes d’assemblage structurel plus automatisé qu’auparavant. Ce qui a permis de réduire l’assemblage d’une aile de 10 jours à seulement 7 jours. Accroître la productivité passe également par l’adoption d’aides aux opérateurs avec notamment l’utilisation de systèmes réduisant la pénibilité tels que les exosquelettes.
La numérisation, ce que d’aucuns appellent la digitalisation, est aussi un des grands sujets exploré par Airbus. Airbus Group a d’ailleurs nommé le 1er mai 2016 Marc Fontaine directeur en charge de la transformation numérique (Digital Transformation Officer). A ce poste il est en charge de tous les aspects de la technologie numérique des divisions du groupe autant que pour Airbus Group Corporate IT (technologies de l’information) et de la cyber sécurité. Une ambition numérique du groupe qui non seulement doit permettre de repenser les processus industriels afin d’accroître l’efficacité opérationnelle et la profitabilité, mais aussi d’améliorer les produits afin d’améliorer les performances et d’offrir de services plus rémunérateurs, d’imaginer de nouvelles technologies à grande capacité de rupture afin de garder une avance incontestable face à la concurrence et aussi de permettre à l’entreprise de se transformer dans les meilleures conditions : agilité, rapidité et avec un objectif centré sur le client.
Nicole Beauclair à Hambourg pour AeroMorning