Constamment en quête des dernières nouvelles aéronautiques et spatiales, nous avions à cœur d’opérer un retour sur les événements marquants de 2018 avant que l’année ne s’achève. Alors, quoi de mieux que de réunir dans un même article les grands titres qui ont fait l’actualité aérospatiale ? Nous vous livrons avec cela, comme à notre habitude, une analyse des faits qui met en lumière les nombreux enjeux auxquels les acteurs du secteur devront faire face dans les mois et années à venir. Cette deuxième et dernière partie se consacre au sujet brûlant du transport aérien civil.
Le transport aérien toujours vulnérable au cours du pétrole … et aux mouvements sociaux du personnel navigant
La vulnérabilité des compagnies aériennes face à l’augmentation des cours du pétrole s’est encore une fois fait ressentir lors de l’année passée. Après avoir atteint son prix le plus bas en janvier 2016, le baril de pétrole n’a cessé de croître jusqu’en octobre 2018. Malgré la rechute du cours qui s’ensuit depuis, nombre de transporteurs ont vu les finances de leur exercice 2018 impactées. La bas-coût danoise Primera Air, en opération depuis 2003, a surpris la communauté aéronautique lorsqu’elle a annoncé le 1er octobre qu’elle déposait le bilan. Bien que résultant d’un enchaînement d’événements défavorables, cette cessation d’activité a grandement été liée aux conséquences de la hausse du prix du carburant sur les dix premiers mois de l’année.
D’autres faits de l’actualité 2018 ont impacté la croissance des compagnies aériennes, comme l’a affirmé Alexandre de Juniac, le PDG de l’IATA, lors d’une conférence de presse tenue début décembre à Genève. Selon ce dernier, les retards, qui ont atteint un niveau record sur le continent européen en 2018, ont été principalement causés par des dysfonctionnements des services de la navigation aérienne. Une constatation qui n’a fait qu’illustrer la justesse des conclusions du rapport alarmant qu’avait publié en juin le sénateur Vincent Capo-Canellas sur l’obsolescence du contrôle aérien français. Au cours de l’été passé, 5,8 millions de passagers ont subi des annulations ou des retards conséquents.
Ryanair, première compagnie européenne, a fait les frais de ses plus gros mouvements sociaux en 2018. Le personnel navigant avait déjà manifesté son mécontentement dès 2017 mais c’est au cours de l’été passé que des grèves ont éclaté, engendrant l’annulation de près d’un millier de vols. En cause notamment, les contrats de sous-traitance régis par le droit irlandais avec lesquels sont payés les pilotes basés en dehors de l’Irlande. Si la compagnie est parvenue à apaiser le mouvement social par la signature d’accords de convention collective concernant le personnel navigant basé en Allemagne et en Italie, des dossiers juridiques à l’encontre du transporteur restent encore en suspens. Ceux-ci concernent par exemple le versement de subventions publiques illégales par des collectivités territoriales françaises. Pour rappel, la Direction Générale de l’Aviation Civile avait saisi un Boeing 737 de Ryanair en novembre pour contraindre la compagnie à rembourser des financements indus.
Air France n’a pas non plus échappé à une année riche en péripéties. Clôturant l’exercice 2017 avec une croissance de son résultat opérationnel de 41,8% par rapport au précédent exercice, la direction du groupe Air France-KLM a cru pouvoir aborder 2018 en poursuivant sereinement l’application de ses plans stratégiques. Cela était sans compter sur le mécontentement du personnel d’Air France, à qui l’absence d’augmentations des salaires n’a pas plu, alors que la compagnie montrait des signes de bonne santé. Croyant pouvoir trouver une issue positive au conflit social alors engendré, Jean-Marc Janaillac avait soumis un projet d’accord salarial à son personnel via un vote. Le rejet de la proposition par la majorité des votants a poussé le PDG à démissionner en mai.
A la suite de cet événement inattendu, les actionnaires d’Air France-KLM – dont l’état français est majoritaire – ont fait preuve d’un pragmatisme qui bénéficiera grandement à la pérennité du groupe dans un environnement devenu très concurrentiel. En plaçant Benjamin Smith à la tête d’Air France-KLM pour succéder à Jean-Marc Janaillac, les décideurs ont choisi de faire appel à un expert du transport aérien reconnu pour son honorable parcours au sein d’Air Canada. Depuis sa prise de fonction en août, le dirigeant a annoncé qu’il se séparerait de la moitié de sa flotte d’A380 à partir de 2020 et a déclaré qu’il réfléchissait à une solution globale pour simplifier les marques du groupe, quitte à en faire fusionner certaines ou à en fermer d’autres, à l’image de la toute jeune filiale Joon.
L’actualité d’Air France s’achève enfin par la nomination d’Anne Rigail au poste de PDG de la compagnie mi-décembre. Riche d’une grande expérience dans le transport aérien et notamment dans l’administration des aéroports parisiens, cette dernière devient la première femme PDG d’Air France.
Airbus et Boeing, qui ont redéfini les règles du marché des avions régionaux cette année, vont livrer plus d’avions en 2018
Notre revue des grands faits aéronautiques de l’année ne serait pas complète si nous n’évoquions pas les résultats des chefs de file du marché, incarnés par le duopole Airbus/Boeing. Il faut dire que ces derniers avaient tous deux battu leur record de livraisons en 2017 et annonçaient en janvier 2018 leur ambition de réitérer cet exploit dans l’année en cours. Si Boeing a su faire augmenter progressivement ses cadences de production pour parvenir à cet objectif, Airbus a connu un premier trimestre difficile, marqué par des retards de livraisons des moteurs Pratt&Whitney équipant les A320neo.
D’après les chiffres officiels disponibles fin novembre, l’avionneur européen a indiqué avoir livré 673 appareils sur les 11 derniers mois. Alors que ses équipes espèrent pouvoir dépasser l’objectif des 800 unités en 2018, elles devront en produire 127 de plus au cours du mois de décembre. Même avec l’arrivée de l’A220 dans le catalogue du fabricant depuis juin, cela signifie qu’elles devront fournir un effort bien plus important qu’en novembre, où 89 avions sont sortis des chaines d’assemblages.
De l’autre côté de l’Atlantique, Boeing peut aborder son mois de décembre plus sereinement mais ne doit toutefois pas relâcher ses efforts. Conformément à ses prévisions, l’avionneur avait livré 763 appareils en 2017 et n’aura donc pas trop de mal à dépasser ce seuil, alors que 704 de ses modèles sont sortis des usines sur les 11 derniers mois. Néanmoins, s’il se laisse devancer par Airbus sur le nombre de livraisons en 2018, Boeing risque de perdre un avantage de plus face à son adversaire, qui dispose déjà d’un carnet de commandes plus remplis.
Les avionneurs de moindre envergure comme Embraer et Bombardier ont connu une année variable. Bombardier, qui a officiellement fait passer son fleuron CSerie sous pavillon Airbus en juin- le modèle devenant ainsi l’A220 -, a fait savoir quelques mois plus tard qu’il vendra son programme d’avion régional à turbine Q400 au fabricant Viking Aircraft. Cette décision stratégique s’explique par la volonté de la direction du groupe de se séparer d’un programme difficile à rentabiliser, dans le but de se focaliser sur l’activité avions d’affaires de sa division aéronautique.
En guise de riposte suite à l’acquisition d’une partie du programme CSerie de Bombardier par Airbus, Boeing n’a pas tardé à engager des discussions avec Embraer. L’hypothèse de la création d’une entreprise commune entre les deux avionneurs a été évoquée pour la première fois en juillet. A l’heure où nous publions cet article, ses conditions ont été fixées mais attendent toujours l’approbation du nouveau gouvernement brésilien. Si celui-ci se prononce favorablement, Embraer disposera de 20% du capital d’une entreprise rassemblant ses activités avions commerciaux et celles de Boeing. A n’en pas douter, 2018 aura été une année charnière dans la redéfinition des acteurs du marché des avions civils.
Les derniers chiffres disponibles au 31 octobre montrent que le carnet de commandes global des avionneurs s’élève à 14 816 avions. Toujours d’après ceux-ci, Airbus domine le marché des ventes avec 7 355 commandes, suivi par Boeing qui en revendique 5 774. Face à ces deux rivaux, les autres fabricants de moindre envergure peinent toujours à s’imposer : COMAC, avionneur chinois, arrive en troisième position avec 524 commandes, exclusivement à destination du marché domestique.
Les premiers vols de l’année
31 janvier : Airbus A3 Vahana
31 janvier : Airbus A321LR
16 mars : Boeing 737 MAX-7
10 avril : Bye Aerospace Sun Flyer 2
19 juillet : Airbus Beluga XL
12 octobre : le plus long vol commercial au monde est réalisé avec un A350-900ULR de Singapore Airlines entre Singapour et New-York. Le vol a permis à 161 passagers de parcourir 16 562 km en 17h52
6 novembre : Airbus A330-800neo
Loïck LAROCHE-JOUBERT pour AeroMorning