La stratégie ministérielle en matière d’intelligence artificielle (IA) de défense vise à répondre au défi de la souveraineté dans ce domaine et à être performant sur les volets de l’IA des opérations, de l’IA embarquée et de l’IA organique. Le 10 février, un cycle de conférences dédiées à cette technologie sera organisé par le ministère des Armées en marge du sommet international pour l’action sur l’IA.
Le défi de la souveraineté
Un enjeu majeur qui accompagne l’IA est de pouvoir stocker, archiver, structurer toutes les données qui la nourrissent grâce à des infrastructures adaptées. C’est l’intérêt de la création de l’agence ministérielle pour l’IA de défense (Amiad) en mai 2024.
Sa mission : permettre à la France de maîtriser souverainement ces technologies pour ne pas dépendre des autres puissances. La communauté pourra, par exemple, s’appuyer, dès 2025, sur le plus puissant supercalculateur classifié dédié à l’IA en Europe. Ce dernier permettra de mettre en œuvre d’immenses opérations mathématiques, afin de préserver et traiter des données confidentielles. Un enjeu crucial pour Sébastien Lecornu, ministre des Armées, qui a appelé à « une conquête de souveraineté » sur ces sujets, pour la France.
L’usage de l’IA au profit des processus organiques
Faire face à la multiplication des capteurs (satellites, radars, drones, smartphones, réseaux sociaux) qui génèrent des masses de données est indispensable. Seule l’IA peut les traiter pour proposer des choix prévus à l’avance. Le but est de faire gagner du temps à l’humain dans des activités qu’il mène déjà ainsi que d’effectuer des tâches impossibles à mener à bien pour l’homme, compte tenu de l’urgence de la situation ou alors en raison du traitement des données trop volumineuses.
Cette technologie constitue un allié indispensable dans plusieurs domaines tels que l’autonomie des systèmes d’armes, l’observation, la logistique, le ravitaillement, la cybersécurité, la santé du personnel ou encore les ressources humaines.
L’usage de l’IA se traduit finalement en trois volets : l’IA des opérations, l’IA embarquée et l’IA organique.
L’IA des opérations
« C’est l’IA en temps réfléchi, c’est-à-dire toute l’intelligence artificielle qui va permettre de façon générale d’appréhender la conduite d’opérations sur le terrain, y compris dans ses dimensions logistiques, par exemple », indique Bertrand Rondepierre, directeur de l’Amiad.
Sur le champ de bataille où chaque seconde compte, l’IA permet au commandement de mieux comprendre, d’anticiper et de décider plus vite que l’adversaire. L’objectif est alors de raccourcir la boucle décisionnelle en appréhendant d’une meilleure façon la donnée dans son volume et dans sa masse. Exemple : lorsqu’un drone fait remonter des prises de vue du terrain, l’IA peut traiter l’information en l’analysant et en l’interprétant de façon beaucoup plus globale et rapide qu’un opérateur humain. La Marine nationale, par exemple, utilise l’IA pour aider les analystes en guerre acoustique, les « oreilles d’or », à trier les sons afin d’orienter leur attention sur les seuls signaux utiles, à forte valeur ajoutée et sur lesquels ils pourront apporter leurs compétences.
L’IA embarquée
« Nous sommes là sur des systèmes critiques en temps réel. Je pense notamment à tout ce qui est missile, avionique. Quand vous embarquez de l’IA dans un autodirecteur de missile, dans un Rafale, ce n’est pas exactement la même chose qu’au sol, dans un data center ou un ordinateur », précise le directeur de l’Amiad.
Un des domaines d’application est le combat collaboratif infovalorisé. Futur du combat aéroterrestre, il fera circuler l’information en temps réel entre toutes les unités déployées sur le terrain. L’objectif est ainsi de transformer les forces armées en des réseaux de systèmes interconnectés, capables de s’adapter rapidement à un environnement opérationnel en constante évolution. Les programmes Scorpion1 pour l’armée de Terre et Scaf2 pour l’armée de l’Air et de l’Espace en sont de parfaites illustrations. Dans ces vastes systèmes, l’IA sera chargée de collecter et de fusionner les données provenant de capteurs multiples (radars, caméras, véhicules, etc.) pour fournir une image complète et en temps réel de l’environnement opérationnel.
L’IA organique
L’intelligence artificielle de l’organique est celle liée à l’administration dont les ressources humaines, les finances, l’infrastructure et la santé. « Le ministère des Armées est une entité qui est une entreprise comme une autre […] Sur tous ces usages, nos agents ont besoin au quotidien d’une IA efficace », explique Bertrand Rondepierre.
1 Pour Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation.
2 Pour Système de combat aérien du futur.
Source : Ministère des armées