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La Chronique Aeromorning de Michel Polacco
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Double commande / Dual Imput !

20 mai 2022.

Le 5 avril 2022 une communication diffusée sur les réseaux sociaux créait l’émoi : un Boeing B777 d’Air France, vol AF011, en approche finale piste 26 gauche de Roissy Charles de Gaulle avait rencontré des difficultés de commandes de vol. On y entend notamment l’un des deux pilotes manifestement en plein effort dire, essoufflé : « donc un problème de commandes de vol, l’avion a fait à peu près n’importe quoi ! ». Situation apparemment critique. Inquiets mais rapides, les contrôleurs réagissent en éloignant les appareils à proximité et lui apportent le soutien demandé pour finalement se poser sans problème sur une autre piste de l’aéroport. La publication, illégale de ce document sonore fera en plus des réseaux sociaux le tour des radios et télévisions donnant une considérable dimension à l’évènement. On ne sait pas qui a engendré cette indiscrétion.

Comme il se doit, la compagnie Air France ouvre une enquête technique, ainsi que le Bureau d’Enquêtes et d’analyses, le BEA, afin de comprendre ce qui s’est produit avec quelques hypothèses : Défaillance de systèmes de l’avion, comme perçu et annoncé par l’équipage, défaillance du système radionavigation d’aide à l’atterrissage, l’ILS, circonstances météorologiques imprévues, erreur de l’équipage. L’étude porte sur l’ensemble de la séquence, approche, remise de gaz puis procédure de retour et d’atterrissage. Sur l’enregistrement l’on entend d’une part le dialogue tour/avion, et d’autre part les bruits d’ambiance dans le cockpit, en particulier des alarmes en bruit de fond.

Bien sur il est nécessaire de faire ce travail d’analyse en toute sérénité, en y prenant le temps nécessaire. La pression créée par la publication de cette bande étant un facteur perturbant tout à fait déplaisant.

Rapidement un communiqué factuel du BEA est publié, afin de poser les données déjà connues de l’évènement à l’arrivée de ce long vol de 7h30 depuis New-York. Et de calmer le jeu médiatique. En parallèle, les enregistrements sont récupérés, ainsi que les données de vol contenues dans les « boites noires » et les autres instruments possédant des mémoires  qui sont nombreux. Pour sa part la compagnie diffuse au sein de sa division de vol les éléments connus et annonce l’enquête interne en cours.

Premiers éléments d’explication:

Nous n’allons pas entrer dans tous les détails de cette affaire. Simplement le 27 avril, en même temps qu’Air France en interne, le BEA publie un nouveau communiqué donnant les premiers éléments d’explication : Pour l’heure aucune anomalie n’a été détectée sur l’avion. Aucune anomalie non plus sur le système d’aide à l’atterrissage, l’ILS. Enfin la présence d’un avion (A330) assez loin devant ayant pu créer une turbulence « de sillage » ou d’un phénomène météo lié notamment au vent (8 kts) sont également écartés. En revanche il apparait que le pilote en fonction (PF) en l’occurrence le copilote en place droite a fait de légers écarts en pilotage manuel sur les gouvernes, et que le pilote en place gauche, le commandant, s’étant gardé le rôle de monitoring de la trajectoire (PM) a de son coté également agi sur le manche de pilotage, l’un des pilotes contrariant les actions de l’autre. Et cela sans l’annoncer ! Ce qui a conduit à cette opposition d’ordres sur les manches, donc sur les gouvernes de vol, qui sont régies par des dispositifs numériques. L’avion a ainsi dévié de sa trajectoire, s’est incliné assez fortement, s’éloignant légèrement de l’axe radio électrique (donc de l’axe de piste) les deux pilotes ne comprenant pas ce qui se passait.

Et c’est ainsi que cet incident devient intéressant. C’est le seul aspect que je développe. En effet, le Boeing B777 est un avion qui comme les Airbus modernes (depuis l’A320 en 1987), possède des commandes de vol électriques. Mais depuis 30 années, même s’il s’estompe aujourd’hui, un débat sur les systèmes Airbus amenait certains pilotes à critiquer les Airbus, équipés de mini manches ou Joysticks, (side-sticks sur le côté, à gauche et à droite) qui ne sont pas coordonnés. Cela économise une place appréciable qui laisse place à une sorte de bureau. Sur ces appareils européens, tous depuis l’A320, au cas où les deux pilotes, contrairement aux procédures normales, agissent en parallèle sur les mini manches, c’est impossible de le ressentir. Il n’y a pas de retour d’effort palpable. Aussi, Airbus a décidé d’introduire dans ce cas deux alarmes : l’une sonore, annonçant « dual imput », (ordres doubles), accompagnée d’un voyant lumineux qui le signale de manière très visible. Impossible donc de l’ignorer. Si d’aventure l’un des pilotes veut toutefois « prendre la main », car il le juge nécessaire, il le peut, en appuyant sur un bouton de priorité, ce qu’il doit en même temps annoncer à son équipier.

Apparemment, et au su de tous, sur tous les Boeing à commandes de vol électriques, (B777 et B787) ce ne sont pas des mini manches qui ont été choisis. Il y a des vrais manches de pilotage, gros, lourds, rustiques, occupant une bonne place, et qui bougent ensemble lorsqu’un pilote les manœuvre. En théorie, il ne peut pas y avoir de « désaccouplement de ces manches. Que l’on croit « soudés ».

L’enquête sur l’incident du 5 avril a conduit à « découvrir » que c’est faux. Si des efforts importants sont appliqués sur les deux manches en parallèle, il peut y avoir ordres contradictoires sur les dispositifs numériques !

Cette particularité, non documentée dans les manuels de vol et non enseignée lors des formations d’équipages, (je le tiens de plusieurs amis instructeurs sur B777) sans doute parce qu’exceptionnelle, se retrouve uniquement dans la documentation technique (voir ci-dessous). Et l’on apprend que les calculateurs font « la moyenne » des efforts appliqués sur chaque manche, et cela sans qu’aucune alarme ne le signale. Dommage. Le système en lui-même ne pose pas de problème, l’avion n’est pas en défaut, du reste la chose n’est pas perceptible dans les bases de retour d’expérience. Mais cette fois-ci, cela a conduit à une situation d’incompréhension, anormale, dangereuse, et qui démontre qu’une alarme serait la bienvenue.

Fin d’alerte. Tout s’est bien terminé. Et la communauté en a profité pour apprendre que les deux manches du B777 ne sont donc pas qu’un seul manche double. Et qu’il en d’autant plus souhaitable que comme le veulent les procédures, sur tous les avions, en équipage, les pilotes annoncent clairement « qui est aux commandes ».

Fallait-il ouvrir le journal télévisé avec ça ? Certes non. C’est une affaire technique qui sera traitée comme elle se doit au fil de l’enquête qui se poursuit. Bien trop complexe pour tout un chacun. Les téléspectateurs ou les auditeurs n’auront jamais une explication adaptée à leur désir de comprendre !

Michel Polacco. Mai 2021.

Liens :

La bande son avion / ATC : https://www.youtube.com/watch?v=omozBtmHhCs

Le second communiqué du BEA, explicatif : https://bea.aero/fileadmin/user_upload/BEA_-_Communique_de_Presse_270422.pdf